Publié le Mercredi 8 février 2023 à 17h23.

Pérou : la population toujours dans les rues fait face à l’autoritarisme

Au Pérou, les organisations de défense des droits humains accusent le gouvernement de commettre des crimes contre l’humanité, dans un contexte d’autoritarisme croissant et de militarisation accrue face à la contestation populaire.

Le Congrès, à majorité de droite, continue de tourner le dos au pays. Alors que des manifestations massives, qui ont fait plus de cinquante morts en deux mois, exigent la démission de la présidente Dina Boluarte et la tenue d’élections cette année, le Parlement a refusé d’avancer les élections ­présidentielles et parlementaires.

Quatre projets de loi de ce type ont été bloqués par une majorité de législateurs. Le dernier d’entre eux a été rejeté vendredi 3 février. Une décision qui clôt la possibilité de faire baisser la tension sociale. L’indignation populaire grandit. Sans élections anticipées, l’exécutif et le Congrès devront rester au pouvoir jusqu’en 2026.

Il existe un consensus sur le fait que cette situation n’est pas tenable. Ou bien seulement viable, avec la prolongation et le durcissement d’une répression que les organisations des droits de humains accusent de commettre des crimes contre l’humanité ainsi qu’avec la consolidation de l’autoritarisme et de la militarisation que le ­gouvernement a mis en place.

Dina Boluarte refuse de démissionner

Dans ce scénario, les revendications , pas seulement dans les rues, se multiplient pour la démission de Boluarte ou encore sa révocation par le Congrès. Cela obligerait à des élections cette année. Jusqu’à présent, la présidente a refusé de démissionner. Elle ne s’est pas exprimée après que le Congrès a rejeté sa proposition d’avancer les élections. La gauche a déposé une motion au Congrès visant à mettre en examen Dina Boluarte pour « incompétence morale » en raison des morts dues à la répression. Avec le soutien de la droite au gouvernement, il est difficile d’obtenir les 87 voix — deux tiers du parlement monocaméral — pour la faire passer. Mais la pression de la rue pourrait changer ce scénario.

Après l’abandon des élections anticipées au Congrès, des manifestations ont eu lieu ce samedi 4 février à Lima et dans d’autres villes du pays. Des milliers d’habitantEs venus de l’intérieur du pays pour faire entendre leur voix dans la capitale après des semaines de protestations dans les différentes régions, notamment dans les Andes, ont joué un rôle de premier plan dans les manifestations de Lima. Elles se déroulent quotidiennement depuis plus de deux semaines. Les blocages de routes se poursuivent, notamment dans le sud du pays, où les manifestations ont commencé en décembre 2022, après la destitution de Pedro Castillo et son remplacement par Dina Boluarte, désormais alliée de la droite. Une grève nationale a été « convoquée » pour le 9 février. Dans les régions du sud, comme la région andine de Puno, une grève illimitée est en cours depuis plusieurs semaines.

« Dina assassine, démissionne », « Congrès corrompu, dégage », sont des revendications qui se font entendre bruyamment dans les rues du pays. Les protestations ont été durement réprimées. Plus de 50 personnes ont été tuées au cours des manifestations, dont 46 par des tirs de la police et de l’armée, et une personne a eu le crâne brisé par une grenade lacrymogène tirée à bout portant par un policier. Boluarte a justifié la répression et a soutenu à plusieurs reprises les forces de sécurité.

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