Entretien. Lors des prochaines élections européennes, Podemos se présentera dans l’État espagnol (cf article dans l’Anticapitaliste n°238). Issu notamment de l’expérience des IndignéEs, ce nouveau mouvement réunit militantEs de la gauche anticapitaliste et nouvelles générations. Nous avons rencontré deux de ses militantEs qui seront candidatEs sur la liste électorale de Pomedos. Pouvez-vous vous présenter ?Teresa Rodriguez : Je suis militante de Izquierda Anticapitalista, syndicaliste dans le milieu éducatif et militante du mouvement unitaire en défense de l’éducation publique « Marea Verde ». Je suis numéro 2 sur la liste aux élections européennes 2014 présentée par le mouvement Podemos. Jesus Jurado : J’ai 27 ans, je suis politologue... et actuellement au chômage comme plus de la moitié des jeunes andalousEs. Je milite dans la « Plataforma de Auditoria Ciudadana de la Deuda » et dans des mouvements de quartier à Séville. Je fais partie des candidats de la liste de Podemos. Pouvez-vous nous présenter le mouvement Podemos ?J.J. : C’est un projet politique en construction, qui résulte du rapprochement de mouvements sociaux, d’organisations politiques anticapitalistes et d’intellectuels. Nous sommes unis pour construire un nouveau cadre politique qui nous permette de stopper le processus actuel de destruction de nos droits et libertés. Il surgit dans une phase d’épuisement du modèle politique hérité de la Transition. Un modèle déconstruit par le haut au niveau social et mis en question par ses limites démocratiques. Dans ce contexte, Podemos se présente comme un mouvement large, non exempt d’ambiguïtés, mais clairement identifié comme en rupture avec l’ordre établi, tout en soulignant l’incapacité du régime actuel de répondre aux besoins sociaux urgents du peuple. T.R. : C’est un projet électoral créé il y a 4 mois avec l’intention de répondre à une situation marquée par un panorama dramatique pour ceux et celles « d’en bas ». Violences cumulées des attaques contre les droits sociaux ; crise d’alternatives et absence de perspectives. Il faut donc répondre à une situation de crise du bipartisme qui ouvre un espace ainsi que des opportunités nous permettant de rompre le cercle vicieux : un PSOE qui dégoûte systématiquement ses bases sociales... et qui ouvre la voie au PP (droite)... contre qui on revote en faveur du PSOE, encore plus sur la défensive... et on recommence, etc. Avant tout, notre rôle est de servir de facteur de déblocage politique ainsi que de correspondant politique du mouvement des IndignéEs.Quelles sont les principales revendications ?T.R. : Il s’agit de récupérer la souveraineté : que les intérêts de la majorité sociale soient ceux qui s’imposent. Plus personne ne doute que ceux qui décident pour notre avenir ne sont ni élus ni contrôlés par quiconque. Aucun pouvoir international ou de classe minoritaire privilégiée ne devrait régir nos vies. Ce n’est pas possible que la seule chose qui soit aujourd’hui « souveraine », ce soit cette dette illégitime qui nous asphyxie ! Il s’agit aussi de récupérer les droits démocratiques sociaux et écologiques sacrifiés sur « l’autel » des marchés : le logement, l’emploi, la santé, l’éducation, les prestations sociales, l’attention aux personnes et à la planète... Actuellement revendiquer ces droits, c’est devoir arracher les privilèges acquis de cette minorité privilégiée qui nous met le « dos au mur ». Ceux qui ne garantissent pas ces droits ne servent à rien !Enfin, il faut faire de la politique autrement et construire une nouvelle éthique politique : sans professionnel, sans privilège, en garantissant le contrôle collectif de ceux qui nous représentent publiquement. Il faut construire un pouvoir populaire de la majorité et dénoncer la corruption comme mode de gouvernement. J.J. : Notre programme a été construit en deux étapes, avec la participation ouverte de toutEs : l’une « virtuelle » et l’autre « physique ». Le résultat de ce processus a été l’adoption d’un programme influencé à la fois par les idées nées du mouvement des IndignéEs (15M), la fin des politiques néolibérales et la radicalité démocratique. Dans ce sens, je considère que les deux principales revendications de notre programme sont l’audit public de la dette et l’ouverture d’un processus constituant.Comment se structure Podemos ?T.R. : Nous avons plus de 300 « circulos » : ce sont des lieux ouverts qui nous permettent l’exercice d’un pouvoir populaire collectif, où l’on n’exige pas d’appartenances politiques bien définies,où l’on ne demande à personne d’abandonner ses choix et engagements politiques où sociaux, et où nous participons à égalité avec les personnes n’ayant aucune appartenance politique. J.J. : Depuis janvier, ces « circulos » se sont formés sur l’ensemble du territoire, y compris dans des zones rurales traditionnellement éloignées d’initiatives politiques de ce type.Toutefois cette organisation « autogérée en assemblées » est fragilisée par le peu d’expérience politique de la plupart des personnes qui participent au mouvement. C’est dans ce contexte que nous avons constitué un groupe « promoteur » comme « direction provisoire » jusqu’à la fin des élections. En juin, nous tiendrons la première assemblée générale où nous pourrons définir les statuts de notre nouvelle organisation. Il est important que cette AG nous permette de renforcer la démocratie interne, en créant une coordination des « circulos », les principaux organes de décision et de contrôle. De quelle manière le NPA peut-il vous être utile ?T.R. : Avec le NPA, nous avons en commun beaucoup de revendications programmatiques et d’objectifs politiques. Nous devrions avoir des relations « souples et fluides ». Celles-ci peuvent s’établir aussi à partir des « circulos » Podemos d’immigréEs espagnols qui vivent en France. Nous devrions pouvoir organiser des lieux de débats unitaires qui nous aideront à construire un autre futur pour les peuples d’Europe, pour échanger et avancer sur les stratégies qui permettraient l’unité de la majorité sociale qui aujourd’hui souffre de la crise. J.J. : Un des groupes sociaux qui interpelle le plus fortement Podemos, c’est celui des jeunes immigréEs obligés de quitter le pays pour chercher du travail, des bourses d’études et de recherche, etc.Le soutien d’organisations alliées est décisif pour informer des mobilisations des immigréEs espagnols ainsi que pour coordonner nos luttes à une échelle plus large. Pour démanteler l’Europe des marchés, nous devons renforcer la solidarité entre nos peuples.
Propos recueillis par Miguel Segui