Des dizaines de milliers de manifestantEs dans plus de 70 villes, les 6, 7 et 8 novembre ont, comme l’année dernière, exigé le droit des femmes de choisir, après la mort d’une femme enceinte dans l’hôpital de Pszczyna alors que les médecins attendaient que « le cœur de l’embryon cesse de battre ».
Ayant perdu les eaux, Izabela s’est présentée à l’hôpital le 21 septembre. Les médecins ont constaté l’absence du liquide amniotique et confirmé les malformations congénitales du fœtus constatées auparavant, décidant d’hospitaliser Izabela et… d’attendre.
« Ma vie est en danger, et je dois attendre »
Les échanges de SMS entre elle est sa mère, rendus publics sur la chaine TVN le 3 novembre, sont terribles : « L’embryon pèse 485 grammes. Pour le moment en raison de la loi anti-avortement je dois rester couchée. Et ils ne peuvent rien faire. Ils vont attendre qu’il meure ou que quelque chose [fausse couche] commence et sinon je peux m’attendre à un choc septique », écrivait Izabela à sa mère le matin de son hospitalisation. Et à la question de savoir s’ils lui ont donné quelque chose pour provoquer l’accouchement, elle répondait : « Ils ne peuvent pas. Ils doivent attendre que ça commence naturellement. Ou sinon, ont attend que le cœur cesse de battre ». Le soir, dans un sms à sa mère : « Ils m’ont posé une perfusion parce que je tremblais à cause de la fièvre. J'étais à 39,9°C ». « Tragédie. Ma vie est en danger. Et je dois attendre ». Le 22 septembre à 7h39, Izabela était déclarée morte d’un choc septique.
Jolanta Budzynska, avocate de la famille qui a rendu public le scandale le 29 octobre, expliquait dans une interview que l’erreur médicale « ne peut être considérée isolément de la décision prise par le Tribunal constitutionnel » qui a restreint encore les possibilités d’avortement en Pologne en octobre 2020. « Mme Iza et toutes les autres femmes dans sa situation auraient été plus en sécurité si les médecins avaient eu à leur disposition, sans restrictions légales, davantage de méthodes de traitement conformes aux connaissances médicales actuelles. Aujourd'hui, […] les médecins peuvent s'abstenir de prendre une telle mesure par crainte de leur responsabilité pénale. »
« Je pense, je sens, je décide ! »
Depuis que la mort d’Izabela a été connue, d’autres tragédies similaires ont été rendues publiques par les familles. « Attendre la mort de l’embryon dans l'utérus alors que l'on sait à l'avance qu'il ne survivra pas est désormais une pratique courante dans les hôpitaux. Je l'ai vécu moi-même », a écrit une journaliste.
Les mobilisations pour les droits des femmes, qui l’an dernier avaient regroupé plus d’un million de personnes dans ce pays de 36 millions d’habitantEs, ont repris : « Pas une de plus ! », « Je pense, je sens, je décide ! », « L’avortement, c’est la vie ! », scandaient les manifestantEs.
Le gouvernement conservateur fondamentaliste a décidé de faire comme si rien ne s’était passé. « Les gens meurent, c’est la biologie […] malheureusement les femmes meurent parfois lors des accouchements » a osé dire le nouveau chef de programmation de la radio officielle. Sa correspondante commentait les manifestations en disant « Les gens ne se laisseront pas manipuler comme le voudraient entre autres les chefferesses de la Grève des femmes. Ces questions n’ont rien de commun avec la politique ni avec la décision du Tribunal constitutionnel. »
Et le Parlement polonais a décidé de poursuivre l’examen d’un projet de loi présenté par les fondamentalistes catholiques qui définit les êtres humains dès le moment de la conception et fait ainsi de l’interruption de la grossesse un assassinat, passible d’une peine de 5 à 25 ans d’emprisonnement, et même de la prison à vie, tant pour les femmes que pour ceux qui les aident, fut-ce en leur procurant les pilules pour un avortement médicamenteux. Le bras de fer se poursuit.