«Il faut que Moubarak parte » avait déclaré à France Info Jeannette Bougrab, secrétaire d’État à la jeunesse et à la vie associative. Cette prise de position frappée du bon sens devant le soulèvement du peuple égyptien contre le dictateur honni lui a valu les remontrances du Premier ministre. Convoquée à Matignon, elle a été contrainte de revenir sur sa déclaration pour s’aligner sur les déclarations officielles de Sarkozy en faveur d’un « changement pacifique », phrase hypocrite qui condamne la révolte populaire. Quand Alliot-Marie avait proposé à Ben Ali l’aide et les conseils de la France en matière de répression, elle n’avait pas été convoquée par Fillon ni contrainte de retirer ses propos scandaleux. La raison d’État ne peut tolérer une prise de position qui, même bien timidement, donne raison aux peuples, à leur révolte, à leurs luttes, à leurs aspirations à intervenir directement sur le terrain où se décident leur propre sort. Le plus étonnant dans cette affaire est le soutien que Jean-Luc Mélenchon a cru bon d’apporter au pouvoir. Interrogé sur Europe 1 dans le cadre de l’émission « Grand Rendez-vous », il a déclaré que s’il « était président il se garderait de dire s’il (Moubarak) devait rester ou partir, ce serait de l’ingérence » ! Et d’ajouter que si un de ses ministres s’était permis de le faire, « alors il prendrait la porte deux secondes après ». Certes, en tant que militant, il souhaitait que Moubarak s’en aille, se réjouissait que la révolution soit de retour… mais, si demain il était au pouvoir, ses convictions militantes passeraient après la raison d’État. Raisonnement choquant mais qui a le mérite de la franchise de la part de celui qui fut ministre dans le gouvernement de Lionel Jospin et qui vient justifier les reniements passés et à venir d’une gauche qui affiche quelques convictions dans l’opposition mais qui, une fois au pouvoir, s’incline devant la raison d’État, le service des classes dominantes. Terrible aveu qui vient souligner que la solidarité des travailleurs et de la jeunesse avec la révolution en marche en Tunisie comme en Égypte, est bien d’abord et avant tout la lutte contre notre propre impérialisme et son État.
Yvan Lemaitre