Hossam al-Hamalawy est membre de l'organisation Socialistes Révolutionnaires ainsi que du Centre d'Études Socialistes au Caire. Journaliste, blogueur, il est l'un de ces jeunes « cyberguerilleros » au coeur des révolutions en cours dans le monde arabe. Occupant régulier de la place Tahrir, il s'attache à diffuser régulièrement une information alternative dans le monde entier, via son blog, son compte Twitter ou sa page Facebook1. Il a accepté de répondre par téléphone à quelques une de nos questions le dimanche 6 Février. En espérant que nous pourrons bientôt continuer à écouter son point de vue sur la mobilisation dans les jours à venir ...
Mélanie Souad et Kevin Vay : Quelle est l’ambiance en ce début de nouvelle semaine de mobilisation ?
Hossam al-Hamalawy :Aujourd’hui la rue était en liesse. Place tahrir, entre ½ et 1 million de manifestants chantaient contre Mubarak. Des funérailles massives ont eu lieu en mémoire d’un homme tué par la police pendant les manifestations. Il y a également eu un concert, c’était une ambiance de carnaval sur la place Tahrir. Ca n’a pas toujours été ainsi, il y a eu des jours où nous avons été attaqués continuellement par la police et des groupes de criminels à cheval envoyés contre nous. On se serait crus dans un film médiéval.
MS/KV : Es tu confiant pour la semaine à venir ?
Hossam al-Hamalawy : La détermination est élevée, c’est encourageant. Les gens sont confiants dans le fait que Moubarak va partir bientôt. D’autant plus qu’il fait une concession après l’autre, nous pensons que nous allons réussir à le mettre dehors très bientôt.
MS/KV : Est-ce que l’appel à la grève générale de lundi dernier (31 janvier) a été suivi ? Plus généralement, est ce que la grève est l'un des principaux moyens de lutte ?
Hossam al-Hamalawy : Il est vrai que l’opposition a appelé à une grève générale. En réalité, si le pays a été plus ou moins bloqué, ce n’est pas tant à cause de la mobilisation mais à cause du couvre-feu militaire et de la répression gouvernementale. Parmi les millions d’Egyptiens prenant part aux manifestations, les militants de l’opposition représentent numériquement une minorité. Les travailleurs prennent part aux manifestations de masse en tant que citoyens, et non en tant que travailleurs. Cela fait 2 jours que les ouvrier en grève ont dit qu’ils ne reprendraient pas le travail avant la chute du régime. On compte 4 foyers de lutte économique !: le moulin de Suez, l’usine d’engrais de Suez, une usine de textile dans la daqahlia près de Mansoura (haut delta, la Mansoura espania textile mill), est partie en grève, ils ont viré leur PDG et auto-gèrent leur entreprise. Il y a aussi une imprimerie au sud du Caire qui s’appelle dâr almatâbi‘, là-bas aussi ils ont viré leur PDG et auto-gèrent l’entreprise. Mais si les travailleurs participent aux manifestations, ils ne développent pas de forme d’action indépendante, en tant que travailleurs. Nous n'avons pas non plus encore vu de travailleurs se syndiquer plus massivement et de manière indépendante2. Mais si cela arrivait je pense que toute l’équation de la lutte changerait.
MS/KV : Mais c'est quand même un vrai événement ...
Hossam al-Hamalawy : Oui. Mais on ne parle que de 4 usines, il y en a des centaines en Egypte. Le nombre maximum de manifestants estimé par la BBC pour le 1er février était de 8 millions d’Egyptiens à l’échelle nationale. Il faut avoir conscience que la majorité d’entre eux sont des travailleurs et des pauvres urbains, le problème est qu'ils n’ont pas leur propre direction. C’est ce pourquoi nous poussons dans la période.
MS/KV : Quel rôle a joué la technologie internet 2.0 dans le déclenchement de la mobilisation ?
Hossam al-Hamalawy : L’internet et la technologie 2.0 ( utilisation des outils de types réseaux sociaux, blogs, skype etc. NDLR ) ont été des instruments pour diffuser l’information. Je sais que les médias principaux ont appelé ça une révolution Facebook mais ce sont des gens en chair et en os qui sont allées dans la rue se confronter à la police, et même quand le gouvernement a coupé internet pendant 4 jours, en plus de couper les réseaux de communication et les SMS, la mobilisation a continué. Donc s’il est vrai que le Web 2.0 a été un très important facteur pour diffuser les informations sur les manifestations et encourager les gens à y aller, ça n’a pas été le seul facteur qui a mené les gens dans la rue.
MS/KV : Considérant que Web 2.0 est devenu une source d’information aux côtés des médias traditionnels, et un outil pour s’organiser, le centre d’études socialistes a-t-il développé une stratégie de propagande ? Quelle est ta position à ce sujet ?
Hossam al-Hamalawy : Les socialistes en Egypte utilisent les outils web 2.0 comme les autres courants politiques, nous n'avons pas de manière particulière d’utiliser internet jusque là. À peu près 20 millions sur 85 millions d’Egyptiens ont accès à internet, mais sa force est que les médias traditionnels ont eux même commencé à l'utiliser comme une source d’informations. Si les blogueurs les plus connus ou les militants d’internet postent quelque chose sur leur blog lu par quelques milliers de personnes, il est plus ou moins garanti que la BBC, al-Jazeera ou d’autres médias traditionnels reprennent l’info et feront qu’elle sera lue par des millions. L’information va ainsi se répendre.
MS/KV : Retour sur la mobilisation : Qu’est ce que le centre d’études socialistes et toi individuellement défendez dans le mouvement en ce moment ?
Hossam al-Hamalawy : En ce moment, le mouvement socialiste essaie de pousser la situation en avant au sens où il y a actuellement une énorme occupation sur la place tahrir et en même temps qui n’a pas de direction. Il y a des comités populaires dans les quartiers qui garantissent la sécurité et qui garantissent aussi souvent l’approvisionnement, organisent le trafic. Les Egyptiens hors de Tahrir ne sont pas nécessairement familiés avec ce qui s’y passe. Le gouvernement diffuse des mensonges, un jour il nous accuse d’obéir à des agents étrangers, puis d'être des agents d'Al-Jazeera, puis des agents d’al-Qaïda. Ils font des déclarations stupides comme quoi nous serions à la botte d’Israël. Ce que nous essayons de faire en ce moment c’est de pousser nos contacts dans les centres industriels à commencer à lancer des syndicats ouvriers. C’est le seul moyen pour sauver la révolution. Particulièrement lorsque la majeure partie de l’opposition traditionnelle tente de la voler.
MS/KV : Qu’est ce que tu penses du fait qu’il y ait trois journées d’action cette semaine ?
Hossam al-Hamalawy :Des actions se passent tous les jours. je sais que les médias ont parlé d’actions spécifiques tous les trois jours, mais ce n'est que ce que les médias disent. En fait, les protestations arrivent de façon très quotidienne.
MS/KV : Tous ces appels à des actions, manifestations etc. … d'où viennent-ils ? Qui structure ces appels, les lance ?
Hossam al-Hamalawy : L'occupation ( de la place Tahrir NDLR ) n’ont pas une direction unifiée, mais il y a des mégaphones sur la place où les gens peuvent prendre leur tour et exprimer leurs revendications, et il y a des discussions en permanence entre les manifestants sur la direction à prendre. Les médias ont probablement relayé le discours de l’opposition traditionnelle, mais il n’y a pour l’instant pas de consensus parmi les millions (!) de manifestants sur la place.
MS/KV : Participez vous au mouvement national pour le changement3 ?
Hossam al-Hamalawy :Nous n'en faisons pas partie, mais en même temps, comme leurs militants participent aux manifestations, nous sommes côte à côte, mais cela ne signifie pas que nous soutenons al-Barâdeî.
MS/KV : Comment le Centre d'Etudes Socialistes intervient dans le mouvement, par quel moyens ?
Hossam al-Hamalawy : Je ne peux pas entrer dans les détails sur cette question, pour des raisons de sécurité.
MS/KV : Nous appelons à une conférence anticapitaliste méditerranéenne les 7 et 8 mai à Marseille, nous sommes très enthousiastes à l’idée d’entendre les échos des révolutions arabes. Comment penses tu que cela puisse devenir un outil ?
Hossam al-Hamalawy : Toute réunion internationale peut beaucoup aider la révolution égyptienne. Nous avons besoin que ceux qui se battent contre le capitalisme organisent la solidarité, ramènent notre expérience dans leurs pays, organisent des manifestations devant les ambassades égyptiennes, fassent pression sur leurs gouvernements pour qu’ils cessent d’intervenir dans les “affaires révolutionnaires”. Nous ne survivrons pas et ne supporterons pas l’élan révolutionnaire sans solidarité internationale…
Photo pour illustrer l'interview ?
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2 ref art syndiacts indep
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