Au moment où les Britanniques s’apprêtent à élire ce 7 mai un nouveau Parlement, à en croire certains médias en France, le gouvernement Cameron serait un modèle de réussite. Mais derrière les chiffres – croissance annuelle de 2,6 % en 2014 et taux de chômage de 5,7 % –, peu de choses ont changé, si ce n’est en pire, pour l’immense majorité de la population, en particulier pour les 10 % les plus pauvres.
La croissance est largement alimentée par une augmentation de la dette, dont celle des ménages qui, à 140 % du revenu, est plus élevée que dans la zone euro ou aux USA. Quant à l’emploi, c’est l’explosion du nombre de travailleurs pauvres et d’emplois précaires, comme les fameux contrats à « zéro heure ». Les coupes budgétaires dans les services publics, comme l’aide aux personnes âgées, ont rendu la vie plus difficile pour les plus pauvres, et les réductions des allocations, dont la scandaleuse attaque contre les droits des handicapéEs, ont révélé toute la brutalité de ce gouvernement dont le cabinet est truffé de millionnaires. Au final, les Britanniques ont connu la plus forte baisse de leur pouvoir d’achat depuis la crise des années 1930.
Crise de la représentation politique
Dans une telle situation, les travaillistes devraient être en route pour une victoire écrasante. Mais la timidité de leurs promesses et leur volonté affirmée de mener une politique d’austérité (plus « soft ») font que beaucoup de gens ne voient plus de différence entre les deux grands partis, actuellement à égalité dans les sondages. Ce phénomène de désaffection, à l’œuvre depuis des années, s’accélère. En 1951, ils se partageaient 97 % des voix, en 2010 plus que 65 %...
Aujourd’hui, le vide est rempli d’abord par le Parti pour l’indépendance du Royaume-Uni (UKIP) qui, depuis sa première place aux dernières élections européennes, mène une campagne haineuse anti-immigrés et islamophobe et pour la sortie de l’UE. D’autre part, en Écosse, après la dynamique autour du référendum l’année dernière, les sondages donnent les nationalistes du SNP comme grands vainqueurs, et des pertes historiques pour un Parti travailliste longtemps dominant dans ce pays. Et le Parti vert, qui en 2010 faisait moins de 1 % des voix avec une seule élue, oscille aujourd’hui dans les sondages entre 5 % et 10 %.
Le système électoral (uninominal à un tour) favorise les grands partis, au point que UKIP, avec environ 15 % des voix, ne remportera sans doute que 5 ou 6 des 650 sièges du Parlement ! Néanmoins, il est très probable qu’aucun parti n’aura une majorité à lui tout seul et qu’il y aura soit une nouvelle coalition, soit un gouvernement minoritaire très fragile.
Quant au SNP en Écosse et aux Verts en Angleterre, ils ont un programme certes bien plus à gauche que celui des travaillistes, mais ils diffèrent peu de ce qu’étaient les grands partis sociaux-démocrates d’il y a 40 ans, et lorsqu’ils sont au pouvoir, au Parlement écossais ou dans des municipalités, leurs politiques sont loin des promesses...
Une alternative anticapitaliste ?
La seule alternative de gauche anticapitaliste un peu visible à ces élections est celle qui est portée par les candidatEs de la liste TUSC (la coalition syndicale et socialiste), qui a le soutien, entre autres, du syndicat des cheminots (RMT), du Socialist Party et du Socialist Workers Party. Elle sera présente dans 130 circonscriptions. La nouvelle formation Left Unity, initiée entre autre par Ken Loach, présente des candidatEs dans 11 circonscriptions, dont 7 unitaires avec TUSC. Il y a quelques années, les immenses mobilisations contre la guerre avaient donné naissance au parti Respect, mais depuis son éclatement, la gauche anticapitaliste reste divisée et affaiblie. Pourtant, les intentions de vote pour le SNP et les Verts montre qu’il existe des possibilités. La reconstruction d’une nouvelle force anticapitaliste, conjuguée à une remontée des mobilisations sociales, sera nécessaire pour répondre à ces espoirs.
Ross Harrold