Moins d’un an après avoir été élu dirigeant du Parti travailliste, Jeremy Corbyn a gagné de nouveau et de manière encore plus éclatante (62 %) qu’en 2015.
En juin, lors d’un vote de confiance, 172 députés de son parti avaient voté contre lui (avec seulement 40 pour) et plus de la moitié de son « cabinet fantôme » avait démissionné. Depuis sa première élection en 2015, ces députés, acquis au socio-libéralisme de Tony Blair, ne supportent pas qu’un « gauchiste irresponsable » ait kidnappé « leur » parti, et ne cessent de lui mettre des bâtons dans les roues en attendant le moment propice pour le déloger. Et depuis un an, les médias mènent contre Corbyn une campagne de dénigrement d’une rare violence qui s’est encore amplifiée ces derniers mois.
Mais malgré tous ces obstacles, des dizaines de milliers de personnes (plus de 100 000 depuis l’annonce de l’organisation de l’élection) continuent à adhérer au Parti travailliste, la plupart pour soutenir Corbyn, le candidat qui a mené campagne sur une plateforme clairement anti-austérité, antiraciste et antiguerre. Par leur nombre, leur diversité et leur enthousiasme, les meetings de la campagne de Corbyn ont été encore plus impressionnants que ceux de l’année dernière et tranchent avec la faiblesse des meetings de son opposant et avec l’histoire récente du parti : des jeunes, des vieux, d’anciens militantEs, des nouveaux venus à la politique… Ainsi, 10 000 personnes à Liverpool et des meetings d’un millier de personnes dans de toutes petites villes.
Élu avec plus de voix que la dernière fois, Corbyn se trouve maintenant à la tête d’une organisation de 550 000 membres, le plus grand parti de gauche d’Europe.
Accident ou révélateur d’une lame de fond ?
En 2014, le Parti travailliste avait changé les règles pour l’élection de leur dirigeant pour réduire le poids du vote des syndicats affiliés et pour en donner plus au vote des membres et des sympathisantEs qui pouvaient voter en payant 3 livres (4 euros). Les dirigeants socio-libéraux du parti étaient convaincus que ceux-ci les avaient suivis dans leur dérive droitière et les soutiendraient dans leur projet de se détacher des liens historiques avec le mouvement syndical ou du moins de son influence, et éliraient donc un des leurs.
En 2015, la victoire écrasante de Corbyn avait montré à quel point ils avaient mal compris ce qui se passait dans le pays. Avec toutes les différences qui peuvent exister entre chaque pays, le phénomène Corbyn ressemble beaucoup à ceux de Syriza, Podemos ou de Bernie Sanders… La radicalisation de millions de personnes dans les mouvements altermondialistes, anti-guerre, anti-crise, dans les occupations des places, etc. a mené à l’espoir d’un changement global par un débouché électoral. Cette nouvelle élection vient de le confirmer.
Pour la suite, beaucoup dépendra de l’attitude de Corbyn et de ses soutiens. Depuis 2015, plus de 250 000 personnes ont adhéré au Parti travailliste. Malgré ses qualités de militant de terrain très intègre, ses longues années de parlementaire au sein d’un parti qui privilégie les élections pour changer le monde, pèseront sur Corbyn, avec la tentation de faire des compromis avec la droite du parti et d’appeler ses soutiens à focaliser leur énergie sur une victoire électorale… dans quatre ans !
L’alternative serait que les centaines de milliers (à l’intérieur et à l’extérieur du parti) qui ont été enthousiasmés par sa campagne, s’engagent dans les mobilisations pour résister aux attaques violentes des conservateurs dès aujourd’hui et entraînent ainsi le Corbyn « militant de terrain ». La gauche anticapitaliste et révolutionnaire britannique aura un rôle important à jouer pour que ces résistances s’organisent dans l’unité la plus large et pour que la confiance qui naît des victoires concrètes puissent changer réellement le rapport des forces.
Ross Harrold