Plus d’une centaine de milliers de personnes ont participé la semaine dernière à Istanbul aux obsèques de l’adolescent Berkin Elvan.
Âgé de quatorze ans, Berkin avait été blessé à la tête par une grenade lacrymogène, alors qu’il était sorti acheter du pain en juin dernier, lors de la révolte de Gezi. Après 269 jours passés dans le coma, ne pesant plus que 16 kilos, le jeune Berkin, « l’enfant de l’espoir », a perdu la vie dans la matinée du 11 mars. L’indignation suscité par son décès s’est traduite le jour même par de nombreuses mobilisations spontanées dans différentes villes du pays, dont la plupart furent attaqués par les forces de l’ordre.Le lendemain, lors des funérailles, la police n’intervint pas lors de la marche de l’immense cortège de Okmeydani (quartier populaire où vivait Berkin) jusqu’au cimetière (marche qui dura près de 4 heures), mais elle n’hésita pas à charger très violemment juste après la cérémonie d’enterrement pour empêcher le cortège de s’avancer vers Taksim afin de déposer des fleurs, à la mémoire du jeune Berkin, au parc Gezi.Bien entendu, personne n’attendait du Premier ministre Erdogan qu’il exprime un quelconque regret ou présente ses condoléances à la famille du défunt, étant donné qu’il ne l’avait pas fait pour les sept autres jeunes décédés lors du soulèvement. De plus, on sait qu’il aime vanter « l’épopée héroïque » de « sa » police. Mais personne ne s’attendait à ce qu’il déclare lors d’un meeting de son parti que Berkin Elvan était un terroriste…
Provocations et menacesLes décès d’un policier, suite à une crise cardiaque provoquée par du gaz lacrymogène, et d’un jeune (22 ans), par arme à feu lors d’un présumé affrontement entre groupes rivaux le soir des obsèques à Okmeydani, a donné l’occasion à Erdogan d’avoir désormais « ses martyrs ».Alors que les parents des trois défunts ont déclaré qu’il fallait empêcher cet engrenage de violence dans les rues, le Premier ministre n’a rien trouvé de mieux à faire que de faire huer la mère de Berkin (qui avait déclaré que c’était Erdogan et non pas Dieu qui lui avait pris son fils) par des centaines de personne venu l’écouter à son meeting. Le fait que Berkin et sa famille soient de confession alévi (minorité musulmane) et vivent dans un quartier « de gauche » y est pour beaucoup bien évidemment.À quelques semaines des élections municipales, Erdogan et son clan, frappés depuis plusieurs mois par un scandale de corruption sans précédent, continuent à jouer la carte de la polarisation, mais cette fois, n’hésitent pas à la provoquer dans les rues. Les attaques civiles contre les locaux du parti kurde (surtout dans le sud du pays à Fethiye), sans aucune intervention de la police, laissent penser que c’est une politique gouvernementale délibérée. De même, les descentes à Okmeydanı, après le décès de Berkin, de plus d’une centaine de miliciens pro-Erdogan, armés de bâtons et soutenus par la police, montrent que l’AKP n’a pas peur de recourir au pire pour sauver son pouvoir.
D’Istanbul, Uraz Aydin