En provenance de plusieurs quartiers de la ville, la manifestation a convergé vers l’Hôtel de ville, après être partie de Franc-Moisin, une cité emblématique de la ville confrontée à un violent plan de rénovation urbaine qui prévoit la démolition de plus de 400 logements.
La banderole de tête disait tout : « Franc-Moisin en colère ! » C’est vrai que les causes de cette colère sont nombreuses : ascenseurs trop souvent en panne, parkings inondés et pas entretenus et pourtant très chers, les cafards et les rats qui envahissent tout, les enseignantEs malades non remplacés dans les écoles du quartier ou remplacés par des animateurEs, tout ça dans un contexte où la crise sanitaire et sociale a réduit de nombreux locataires à la plus grande précarité faisant de la moindre hausse de charges ou de loyer une catastrophe. Et il faudrait parler des interventions policières démesurées qui font de touTEs les habitantEs des délinquantEs.
Convergence des quartiers populaires
Et puis il y a ce pont tournant, en panne depuis plus d’un an. Il permet normalement le passage sur le canal Saint-Denis entre le quartier du Grand Stade et celui de Franc-Moisin. Ce pont symbolise toutes les discriminations entre un quartier neuf, médiatique, avec cinéma, magasins, etc., et la mal-aimée cité de Franc-Moisin. Déjà, à chaque évènement au Grand Stade, il est fermé comme si on voulait confiner (déjà) la cité loin des spectateurs qui arrivent en masse. De plus cette panne arrange beaucoup les opérateurs du Grand Paris. En effet se creuse en ce moment le tunnel de la ligne 17 et toutes les évacuations de remblais se font par des barges qui circulent sur le canal à un rythme élevé. Ne reste plus pour les habitantsEs de Franc-Moisin pour accéder, par exemple, à l’école qui se trouve de l’autre côté, qu’une passerelle en pente raide. « Rendez-nous le pont ! » disaient les banderoles fixées sur les barrières où la manifestation a tenu un point fixe.
Elle a été rejointe Porte de Paris par les habitantEs de la cité Allende organisés en collectif. Logirep, leur bailleur, leur a envoyé des factures d’eau exorbitantes, certaines de plus de 6 000 euros ! la mobilisation a été intense sur ce quartier devant une telle agression. La responsabilité du bailleur est clairement engagée. Les compteurs d’eau ont été récemment changés et ceci a mis en évidence sa gestion désastreuse. Des compteurs en panne, des relevés pas faits, des estimations insuffisantes. Logirep, plutôt que de s’en prendre à son gestionnaire, tente de faire payer la facture par ses locataires. Mais la mobilisation, son écho médiatique, ont bousculé le bailleur qui n’aime pas cette publicité. Il est revenu sur les montants les plus exorbitants et s’est engagé à faciliter un contrôle des charges détaillé par le collectif. Cette mobilisation a boosté les locataires Logirep de Franc-Moisin qui ont engagé une même démarche de contestation.
C’est la première fois qu’une convergence de ce type a lieu entre divers quartiers de la ville sur les revendications des habitantEs. Dans le collimateur, la nouvelle municipalité qui s’affiche au travers des projets de rénovation urbaine comme le promoteur d’une gentrification accélérée, avec les jeux Olympiques de 2024 en point de mire. Le sentiment d’être abandonnéEs, mépriséEs, grandit dans les cités, par le nouveau maire qui n’a que la mixité sociale, l’accession à la propriété, la diversification des populations comme objectif. Cette mobilisation en appelle d’autres. C’est ainsi que des parents de plusieurs écoles sont venus rappeler au maire qui inaugurait ce même jour une plaque en souvenir de la répression coloniale du 8 mai 1945 (il a osé) qu’il avait un devoir, celui « d’honorer nos morts et respecter le droit des vivants ».