Tout était prévu, les 18 et 19 mai dernier, pour que le ministre de la Justice ait une balade tranquille sous les tropiques, loin du bruit des casseroles — sinon de la rumeur des siennes.
Éric Dupont-Moretti venait avec ses « bonnes nouvelles », plutôt modestes mais suffisantes, pensait-il, pour éblouir le bon peuple de « l’outre-mer » lointain : une SAS (structure d’accompagnement à la sortie) avec 120 places pour les détenuEs avant leur libération, un poste de greffier, 3 postes de magistrats et un poste de magistrat dans l’île indépendante voisine de Sainte-Lucie pour la lutte contre le trafic de drogues.
Dénoncer le non-lieu dans l’affaire du chlordécone
Pourtant, la fête fut quelque peu troublée. Les journalistes des deux principales chaînes médiatiques de Martinique n’ont pas manqué d’interpeller leur invité ministériel lors des deux manifestations de rue réalisées à Fort-de-France. Malgré l’interdiction préfectorale de manifester durant les deux jours de la visite ministérielle, celles-ci ont bien eu lieu pour dénoncer le non-lieu dans l’affaire de l’empoisonnement au chlordécone des Antillais et de la nature.
Le ministre, fort embarrassé, s’est réfugié dans un silence pesant au nom de la Constitution qui lui interdirait soi-disant de « commenter une décision de justice ». Toute la propagande du pouvoir consiste à présenter ce non-lieu comme « définitif » alors que les avocats, réunis il y a quelques jours par Lyannaj Pou Dépolyé Matinik — structure unitaire qui organise la lutte pour la justice et les réparations —, ont fait appel devant la Cour de cassation et sont prêts à saisir les tribunaux internationaux.
Dupond-Moretti a donc compris que la mobilisation continue, que le mouvement populaire ne lâchera rien. Le mouvement ouvrier et démocratique de France sera sollicité pour exprimer sa solidarité avec les victimes de cet énorme crime colonial d’État.