Quand les trois éluEs de Bordeaux en luttes essaient de poser les problèmes sociaux dans une instance technocratique.
C'est un des dégâts collatéraux de la crise sanitaire : le collectif Bordeaux en luttes, comme toute équipe militante, se retrouve dans une situation encore moins favorable du fait de l’ambiance générale, entre les confinements passés, le couvre-feu actuel et toutes les restrictions concernant les lieux ou moments collectifs.
Un monde déconnecté de nos réalités quotidiennes
Pendant la campagne, on imaginait et on prévoyait de faire beaucoup à partir du travail de nos éluEs dans les instances municipale et métropolitaine. Nous avions en tête de faire des assemblées générales pour préparer les conseils, d’organiser des rencontres dans les quartiers avec les associations ou avec les habitantEs, de louer un local pour en faire un lieu d’échanges, d’élaboration et de construction de mobilisations.
Finalement, rien de tout cela n’est possible. Et encore, heureusement que cette période difficile n’empêche pas les manifestations ou autres moments de luttes. Car c’est bien la combativité de la population, l’expression de la colère ou de la protestation contre cette société injuste qui peut changer la donne. Depuis le début, nous savons que notre force ne peut venir que de la contestation et notre rôle ne peut être que de faire le lien entre la rue et le parlement.
Depuis six mois, nous découvrons un monde particulier, sensiblement déconnecté de notre réalité quotidienne. L’instance municipale, et peut-être plus encore la métropolitaine, se trouve être un cadre quasiment inadapté pour parler des difficultés des habitantEs, pour débattre de réponses qui amélioreraient la vie de la population. On apprend peu à peu le fonctionnement, avec son système de délibérations mises au vote, au langage technique et technocratique.
Il s’agit d’une drôle de machine si peu ouverte et transparente, si peu démocratique, un truc pour gestionnaires où l’on ne fait pas de politique, où l’on ne débat pas de choix de fond ou si peu. Cela n’empêche pas les disputes, les cris avec souvent des postures indignées jusqu’à quitter le conseil, chose que sait très bien faire la droite juppéiste qui n’a toujours pas digéré sa défaite.
Nous avons des choses à faire entendre
On assiste donc à cette routine qui s’apparente à un genre de cirque (preuve que la crise sanitaire n’interdit pas toute forme de spectacle). Or nous sommes là et nous avons des choses à faire entendre. On va vite apprendre que ce n’est pas simple de faire rentrer dans une enceinte tout ce qui n’est pas prévu d’y entrer. Même les questions d’actualité comme la souffrance dans les quartiers populaires ou l’importance d’une politique sanitaire en mettant en place des dispensaires de santé dans les quartiers ou encore l’urgence de reloger les familles sans abri, ne sont pas abordées spontanément.
Parler vraiment des difficultés de la population, du chômage, de la précarité, de l’insalubrité des logements, de la difficulté de l’accès aux soins, à l’alimentation, au logement ou à la culture… c’est très compliqué. Alors tenter d’aborder des réponses comme la gratuité des transports, le renfort des services publics, le recrutement du personnel municipal dans les écoles, l’arrêt des constructions n’importe comment, le gel des loyers pour les personnes surendettées, ce n’est jamais possible sérieusement. Exemple fabuleux quand nous avons mis au vote le recensement et la réquisition des logements vacants pour reloger les sans-abris, lors du dernier conseil : sur 65 éluEes que nous sommes, il y a eu trois votes pour, ceux de « BEL » et tout le reste contre, y compris le PC et EÉLV. C’est dire l’ambiance.
Mais si nous ne posons pas ces problèmes, pourtant connus de toute le monde, personne n’en parle. Et en parler, faire résonner ces problèmes dans l’enceinte du conseil, c’est un début, un point d’appui, ça fait réagir et ça fait discuter, ça peut avoir un effet d’encouragement et mobilisateur y compris pour les milieux -associatifs, pour les habitantEs.
Nous savons bien que seules la pression populaire, l’expression et l’organisation de la colère peuvent changer la donne. Mais notre activité dans le parlement bordelais en lien avec celle des réseaux militants sur le terrain peut être très utile pour que les gens prennent leurs affaires en mains. Et nous espérons pouvoir servir à cela.