« Surtout ne pensez pas, vivez l’instant ! » : ce pourrait être le dernier « mantra » de Macron et de ses ministres, décliné à l’envi par des médias acritiques. La dépolitisation généralisée de toutes les questions est devenue le pilier de la communication et des postures du « Président des riches » pour faire oublier son bilan et noyer ses attaques en préparation.
Macron s’est donc lancé dans un « tour de France des territoires » histoire de « prendre le pouls » de la population. C’est l’occasion d’envoyer des « cartes postales » pour concrétiser le message selon lequel nous ne pouvons que nous réjouir de vivre dans un si « beau pays » et d’avoir un président prêt à se jeter dans un bain de foule quitte à prendre une claque et montrer que « même pas mal » !
Vous avez dit « crise sanitaire » ?
Une leçon de dissolution de la politique dans le barnum médiatique et l’adaptation aux émissions pensées comme « populaires », avec un Stéphane Bern comme expert ! Mais toujours la constante de ce mépris de classe d’un Macron qui parlait des « salariés illettrés » de Gad ou de « Jojo affublé d’un Gilet jaune », et la liste pourrait être poursuivie longuement. La mise en scène de cette mauvaise comédie a une fonction : convaincre que les gens « normaux » sont celles et ceux qui ne pensent qu’à se réjouir de la « sortie de crise sanitaire », pour profiter de la vie et dépenser leurs économies pour contribuer, en « bons citoyens », à la relance de l’économie.
Exit les bilans, rappeler la gestion désastreuse de l’épidémie et ses 110 000 mortEs, évoquer la crise sanitaire qui est devant nous indépendamment d’une éventuelle 4e vague, du fait des retards de prise en charge de nombreuses autres pathologies, de l’épuisement physique et psychiques des femmes et des hommes qui font tourner le système hospitalier laminé par les politiques publiques depuis 20 ans. Politiques qui se poursuivent avec par exemple le scandale des 350 agentEs de l’AP-HP qui avaient obtenu le concours pour suivre une formation de soins infirmiers que l’AP-HP refuse de financer, ou la suppression de centaines de lits et de postes dans la fusion d’hôpitaux comme Bichat et Beaujon.
Retour à l’anormal
Oubliés, aussi, les effets psychologiques d’une année et demie d’angoisses, de contraintes sanitaires, administratives et autoritaires, imposées particulièrement violemment aux plus précaires à commencer par la jeunesse, les « sans », sans papiers, sans logement, sans travail…. Ce n’est pas lorsque la fin du « quoi qu’il en coûte » est sonnée par le ministre des Finances Le Maire que l’on doit poser la question de politiques de prévention et d’accompagnement des traumatismes en renforçant et en donnant des moyens aux pôles médico-sociaux dans l’éducation, aux associations de terrain au lieu de leur couper les subventions. Alors qu’avec la fin de la trêve des expulsions, qui avait été prolongée pendant la crise sanitaire, ce sont 30 000 familles recensées par la Fondation Abbé Pierre qui sont menacées d’expulsion, sans compter celles qui vivent dans des squats, et les préfectures ont immédiatement donné le concours de la force pour commencer à exécuter les arrêtés. De même les coupures d’eau et d’énergie pour factures impayées. Le retour à la normale c’est le retour à l’anormal, en pire, et tant pis pour celles et ceux qui ne veulent ni ne peuvent céder aux injonctions à se réjouir.
Faits divers ou débat politique ?
La politique devient le commentaire des faits divers, sur tous les tons, de la réjouissance béate de la décision d’Axa d’indemniser les restaurateurs assurés contre le risque épidémique, au diapason de la joie de la réouverture sans aucun recul critique (300 millions pour 15 000 restaurants cela revient à 20 000 euros en moyenne, et on peut douter de l’équité de la répartition), à l’indignation répétée après chaque féminicide alors que la lutte contre les violences faites aux femmes était décrétée « Cause nationale » en 2018, mais sans mise en cause du bilan gouvernemental. En passant par les morts des rixes entre bandes et les « attentats » ou tentatives qui font la « Une » des actualités en continu pour quelques heures, jours… avec comme seules réponses et perspectives la course à l’échalote des annonces sécuritaires. Surtout ne pas poser la question de la réflexion sur les causes sociales au-delà de la responsabilité individuelle, ce serait de l’angélisme utopiste qui désarme. Résultat : on renforce la peur de l’autre, des autres, ce terreau sur lequel surgissent les pires fantasmes et dont les droites extrêmes se nourrissent pour dresser les oppriméEs et les exploitéEs les unEs contre les autres plutôt que contre le système et les classes sociales qui en profitent.
S’organiser, construire les solidarités
Il y a urgence à renouer avec la politisation des questions sociales en considérant que nous ne pouvons compter que sur nous-mêmes pour comprendre, nous organiser et mettre en œuvre nos réponses. Cela commence par faire vivre, sur les lieux de travail, les lieux d’études, dans les quartiers comme dans les villages, des cadres de solidarité pour discuter et agir ensemble, en tissant des relations de confiance pour surmonter les problèmes du quotidien. Continuer en s’organisant dans des cadres associatifs, syndicaux et politiques pour réfléchir et lutter plus globalement, construire un projet de transformation de cette société en crise. Une transformation qui ne pourra pas venir par en haut des institutions et des individus qui prétendent être spécialistes pour les faire fonctionner. Une transformation qui ne pourra se construire que dans l’affrontement avec ces cadres de plus en plus sclérosés, autoritaires et violents, et donc une transformation révolutionnaire.