Contrairement à ce qu’avait espéré le gouvernement, le mouvement n’a ni connu de trêve ni même faibli pendant les congés de fin d’année. Et de jour en jour, le soutien de la population se développe, mettant ainsi en échec la communication du gouvernement et de ses sbires sur les privilégiés, la bataille des régimes spéciaux ou le bien-fondé de cette réforme. Le gouvernement n’a pas non plus réussi à « acheter » les secteurs les plus mobilisés malgré les promesses d’adaptation de l’application de la réforme à diverses catégories. Au contraire, les différents secteurs grévistes ont explicitement rejeté la « clause du grand-père », refusant que s’applique aux générations futures ce qu’ils et elles refusent. Ils et elles ont réaffirmé que la grève n’est pas une défense des régimes spéciaux mais une lutte contre une réforme qui impacte l’ensemble du monde du travail. Et tout au long de cette dernière période, le mouvement, entre manifestations ou rassemblements régionaux, entre actions de blocages aux portes des dépôts RATP ou sur les péages, n’a pas connu le repos. C’est bel et bien, à cette étape, un échec cuisant pour ce gouvernement.
« Droit dans ses bottes » ?
Mais cela ne l’empêche pas de rester « droit dans ses bottes », ni même peut-être dans un avenir proche de céder un tant soit peu aux revendications des syndicats les plus prompts à négocier… le pire. Lors de ses vœux, Macron a réussi en à peine plus d’un quart d’heure un tour de passe-passe phénoménal. À l’écouter, tout va pour le mieux… Il a mis en avant les 500 000 créations d’emplois depuis son arrivée sans un mot pour les millions de privéEs d’emplois ou de précaires et oubliant de parler des nouvelles vagues de licenciements qui se profilent comme à Auchan ou Bricorama. La crise des Gilets jaunes ? Réglée grâce à « un dialogue respectueux et républicain, sans précédent »… Les mutiléEs et les blesséEs apprécieront… La crise écologique ? Tout est sous contrôle grâce à l’accord de Paris, le Président se payant même le cynisme de rendre hommage au mouvement de mobilisation de la jeunesse pour le climat.
Cerise sur le gâteau, concernant les retraites, il a clairement réaffirmé, pour cette première prise de parole depuis le début de la grève, que sa réforme aura bien lieu, affirmant même la volonté d’accélérer le rythme jusqu’à la fin de son mandat. Bref une nouvelle fois, Macron se moque éperdument de nous. Et la remise de la légion d’honneur à Jean-François Cirelli, président de BlackRock France, un fonds de pension très intéressé par la réforme des retraites actuelle, prouve s’il en était encore besoin que ce gouvernement est aux ordres de la finance et des plus riches.
Jours décisifs
Les jours qui viennent seront sans aucun doute décisifs pour la poursuite de la mobilisation et la victoire. Et apparemment l’intersyndicale interprofessionnelle en est consciente puisque pour la première fois, elle a appellé l’ensemble du monde du travail à être en grève et dans la rue les 9, 10 et 11 janvier. La grève reconductible tenue à bout de bras par quelques secteurs particulièrement visibles, doit à partir du 9 janvier se généraliser dans un maximum de secteurs. Cette journée et les jours qui suivront doivent constituer un tournant majeur dans l’amplification du rapport de force. Des temps forts ont été mis en avant par l’intersyndicale nationale pour ancrer la grève reconductible. Si l’éducation s’est en partie inscrite dans ce mouvement, que localement des secteurs ont été ou sont mobilisés (BNF, aérien, chimie...), la généralisation de la grève n’a pas encore eu lieu. C’est désormais l’unique objectif des prochains jours.
En effet, ce qui permettra au mouvement de franchir un cap, c’est que l’ensemble des secteurs de la fonction publique, des entreprises du privé aussi, puissent rejoindre la grève de manière significative. Le lancement de la mobilisation dans les raffineries du 7 au 10 janvier est dans ce sens important. La grève reconductible dans un maximum de secteurs, de grandes entreprises, contribuerait à bloquer le pays, ce qui permettrait de faire reculer le gouvernement. Dans un certain nombre de secteurs, comme dans la santé ou aux finances publiques, des mobilisations existent depuis plusieurs mois. Mais une victoire sur cette contre-réforme des retraites sera un point d’appui important pour en arracher d’autres. Le combat contre cette nouvelle offensive contre les droits du monde du travail est donc primordial et doit concentrer l’essentiel de nos forces de luttes. L’enjeu de ces prochains jours est bien de construire un maximum de relais de la grève sur les retraites dans d’autres secteurs que ceux déjà engagés : c’est ce qui peut décider de la victoire ou non d’une mobilisation dure sur laquelle peu de monde pariait il y a quelques semaines. Un point de bascule essentiel dans la lutte contre Macron, sa clique et son monde.
Joséphine Simplon