Éditions Steinkis, 2025, 144 pages, 20 euros
La grève des sardinières comme si vous y étiez ! Une BD alerte, joyeuse, enthousiasmante, à l’image de la lutte des Penn Sardin !
Pemp real a vo !
Au fil des pages nous sommes invitéEs à suivre la destinée d’une famille caractéristique de cette période : lui, Pêr, pêcheur, individualiste et anticommuniste ; elle, Mona, usinière un peu dépassée, mère de deux enfants, puis de trois, qui voit bien que ça ne va pas ; la fille, Soazig, 10 ans tout juste, qui ne veut pas aller à la friture (la sardinerie) — elle ira quand même ! — ; la grand-mère, Jeanne, qui dit bien qu’il faut être raisonnable — oui mais elle a fait la grève de 1905, victorieuse, pour le salaire horaire !
La grève se profile, ancrée dans l’exaspération, la misère, les mesures vexatoires — chez Béziers on licencie les femmes qui ont chanté « Saluez, riches heureux ! » —, puis elle éclate, chez Carnaud d’abord, puis s’étend à toutes les sardineries. La grève s’installe, tient par la solidarité populaire du territoire, des marins, des paysans. L’implication du Parti communiste et de la CGT-U en fait un enjeu national. Le patronat de combat ne lâche rien, mais finit, par son intransigeance, par s’aliéner le ministère du Travail, la préfecture, la police. Et la grève est victorieuse !
Joséphine Pencalet
Les historienNEs s’accordent pour donner un rôle mineur à Joséphine Pencalet au cours de la grève, mais les auteurices en décident autrement, qui la mettent au centre de la lutte et du basculement de la famille de Mona dans la lutte. Et puis, elle chante, et ce chant a une grande importance dans la grève — elle en a encore dans nos manifestations, aujourd’hui, qui évoquent la grande grève des sardinières !
La grève victorieuse, la BD suit le parcours de Joséphine jusqu’à son élection au conseil municipal de Douarnenez, le 3 mai 1925. Les femmes n’avaient alors pas le droit de vote mais rien, dans les textes, n’interdisait leur présence sur les listes ! Cette élection est plus qu’un symbole, car elle incarne la continuité entre la lutte ouvrière — une lutte de femmes ! — et l’élection d’une liste plus que dévouée à la lutte en question. Mais l’ouvrage ne tait pas la désillusion de Joséphine qui, une fois invalidée, est restée communiste dans son cœur mais n’a jamais voté, déçue d’avoir été délaissée par le parti qui était venu la chercher.
Vincent Gibelin