L’Europe des marchés, défendue par Hollande et son gouvernement, est à 1 000 lieues de celle que nous défendons : une Europe des peuples, débarrassée de la mise en concurrence des pays européens les uns contre les autres.
En quelques jours, grâce aux voix de la droite dans le cas du Sénat, mais surtout sans aucun débat public, le gouvernement Hollande impose la ratification par la France du traité d’austérité durable négocié par Sarkozy. Le jour même, le Prix Nobel de la paix décerné à l’Union européenne ravive la légende de l’« Europe-qui-met-fin-aux-guerres-et-défend-la-démocratie-et-les-droits-humains ». La paix, les puissances européennes ne l’ont préservée ni pendant la guerre qui a ravagé l’ancienne Yougoslavie, ni en Irak, ni aujourd’hui en Afghanistan ou en Afrique. Où sont les droits humains quand toutes les décisions européennes construisent une forteresse contre les peuples du Sud et organisent la chasse aux immigrés et aux gens du voyage. Quant à la démocratie, il suffit de voir comment la Troïka impose ses diktats en Grèce pour comprendre le sens qu’elle donne à ce mot !
Le Nobel n’arrivera pas à cacher que depuis 55 ans, la « construction européenne» n’est que celle d’un marché fondé sur la libre circulation des capitaux et des marchandises, sur la concurrence de plus en plus « libre et non faussée ». Le marché unique, puis la monnaie unique, n’ont vu aucune harmonisation fiscale ou sociale. Loin de la coopération tant vantée, l’Union européenne et l’euro mettent en concurrence les États européens, les salariés et les systèmes sociaux. Alors qu’on nous promettait une convergence harmonieuse, avec la crise les inégalités n’ont fait que se creuser entre des différents pays. Les capitalistes des pays du Nord de l’Europe, autour de l’Allemagne, imposent aux pays du Sud (Portugal, Italie, Grèce, Espagne) injurieusement appelés PIGS (cochons en anglais) des rapports de domination qui enfoncent ces derniers toujours plus profondément dans la misère et le chômage. Mais la place dominante de l’Allemagne est chèrement payée aussi par les salariés de ce pays qui ont subit entre 2003 et 2005 des réformes brutales pour imposer précarité, baisses de salaires et de protection sociale.
La politique commune dans l’Union européenne,c’est l’austérité et la baisse des salaires
Il suffit pour s’en convaincre de lire le dernier rapport de la BCE rendu public le 8 octobre. Il affirme que « l’ajustement des salaires aux conditions du marché du travail doit être une priorité sur les marchés du travail de la zone euro » et réclame « des réformes importantes et approfondies du marché du travail […] pour accroître la flexibilité de l’emploi et des salaires dans la zone euro ». Ce que prône la BCE c’est bien la généralisation des politiques qui en Grèce, en trois ans, ont réduit les salaires de plus de 25 % et fait grimper le chômage qui touche désormais 21 % de la population active et 54 % des jeunes...
De Maastricht à l’actuel TSCG en passant par Lisbonne, au nom des fameux critères de convergence – déficit inférieur à 3 % du PIB, dette inférieure à 60 % du PIB –, tous les traités n’ont fait qu’accentuer le caractère de plus en plus antidémocratique de la construction européenne.
Une course de vitesse est engagée
La brutalité, les injustices, les diktats de l’UE vont-ils permettre aux courants les plus réactionnaires, racistes et xénophobes de triompher ? Ou bien la puissance et la convergence européenne des mobilisations permettront-elles aux peuples d’imposer une autre Europe solidaire, sociale et démocratique ?
Aujourd’hui, dans toute l’Europe, les grèves générales, les démonstrations de force dans la rue, les occupations se multiplient pour refuser les politiques d’austérité. Elles dessinent en pointillé un programme d’urgence.
Partout la réduction des déficits et le remboursement de la dette servent d’argument pour la destruction des services publics, les coupes dans les budgets sociaux, partout la mobilisation doit imposer un droit d’enquête publique sur la dette pour son annulation.
Partout la mise en concurrence des salariés tire vers le bas les salaires, les conditions de travail et tous les acquis sociaux, nous avons toutes et tous à gagner à l’harmonisation des droits sociaux par le haut, à l’alignement sur les meilleurs acquis des législations sociales de chaque pays, à la réduction massive du temps de travail.
Partout le secteur bancaire et financier, et en premier lieu la Banque centrale européenne, dictent leur loi. Il faut en finir avec l’indépendance de la BCE et l’ensemble du secteur doit être réquisitionné et unifié dans un service public bancaire sous contrôle populaire.
Dans les transports, l’énergie, les communications… l’Europe est la bonne échelle pour réorganiser la production, réquisitionner les groupes capitalistes et satisfaire les besoins sociaux dans le respect des impératifs écologiques, dans le cadre de services publics européens.
Notre Europe ne peut pas s’accommoder des traités et des institutions qui ont fait cette Europe des capitalistes, des banquiers, des spéculateurs, elle ne naîtra que d’une rupture avec eux.
Christine Poupin