La journée de mobilisation et de grèves du 18 octobre a marqué une nouvelle étape dans la construction du rapport de forces contre le patronat et le gouvernement à son service. La grève des raffineries a encouragé d’autres secteurs à se lancer dans la bataille pour les salaires, mais cela reste insuffisant pour faire plier un pouvoir qui, de son côté, poursuit sa fuite en avant autoritaire avec le recours au 49.3 pour faire passer ses contre-réformes, qui sont même minoritaires à l’Assemblée nationale.
Pas un jour ne passe sans que des salariéEs se mettent en grève pour des augmentations de salaires. De la clinique Jules-Verne à Nantes à l’usine de traitement des ordures ménagères de la métropole d’Orléans à Saran, en passant par les salariéEs de Safran et Daher à Bordes (64), ceux de Neuhauser à Folschviller (57) ou encore ceux de Geodis à Gennevilliers (92, lire page 8), de multiples grèves se développent, toujours autour des mêmes revendications : une augmentation réelle des salaires, voire leur indexation sur l’inflation. Autant dire que les raffineurs ont été la partie visible de l’iceberg, et que leur mobilisation a cristallisé une véritable lame de fond : c’est ce qui explique aussi pourquoi, malgré la propagande politico-médiatique, leur grève a reçu un soutien significatif dans les enquêtes d’opinion.
Les grèves ont imposé la question des salaires
Dans un contexte d’importante inflation, notamment sur l’énergie et les produits alimentaires, de stagnation des salaires (qui se traduit par une perte de « pouvoir d’achat ») et de distribution de milliards de dividendes aux actionnaires des grandes entreprises du CAC 40, rien d’étonnant à ce que la colère gronde et s’exprime de manière de plus en plus visible. Et rien d’étonnant non plus à ce que les postures du gouvernement consistant à opposer, d’une part, les salariéEs des raffineries et, d’autre part, celles et ceux exerçant un autre emploi et ayant besoin de leur véhicule, n’aient eu qu’une efficacité très relative, quand ils n’ont pas suscité l’indignation. Il faut en effet être sacrément gonflé, lorsqu’on s’appelle Bruno Le Maire ou Olivier Véran, pour faire, par exemple, des tirades sur les infirmières à domicile ou les auxiliaires de vie « prises en otage » par la grève chez Total alors que l’on n’a toujours eu que du mépris pour ces travailleuses.
L’attitude « droit dans ses bottes » du gouvernement dissimule mal sa fébrilité face à la possibilité d’un mouvement de contestation généralisé, et malgré les déclarations parfois triomphalistes de certains représentants de la macronie enterrant la grève des raffineries, le pouvoir est conscient que le souffle de la mobilisation est loin d’être retombé. La première victoire des grèves du mois d’octobre aura été d’imposer dans le débat public la question des salaires, rappelant cette vérité simple : les « primes », les « chèques », les « ristournes » ne règlent rien, et le seul moyen de faire face à la hausse des prix et de pouvoir mener une vie digne, c’est de voir son salaire augmenter, et pas de 2 ou 3 %. Les grèves qui ont cours actuellement dans des entreprises de toute taille se font souvent autour de la revendication d’augmentations de 10 %, quand il ne s’agit pas de demander, comme les auxiliaires de vie de l’agence Domidom à Caen (lire page 9), 500 euros mensuels supplémentaires.
Construire un mouvement d’ensemble
C’est dans ce contexte que le gouvernement a choisi de dégainer l’arme du 49.3, pour faire passer en force son projet de loi de finances : pas d’augmentation du SMIC, pas de taxes supplémentaires sur les dividendes et les profits, pas de crédit d’impôt pour les résidents d’Ehpad (un amendement en ce sens avait été adopté), etc. L’orientation reste la même : la « rigueur » et l’austérité pour la très grande majorité de la population, qui pourtant n’en peut déjà plus, et le laisser-aller pour les plus riches et les grands groupes du CAC 40, encouragés à continuer à se goinfrer. Les amendements de la Nupes en faveur des salariéEs et des classes populaires ont au total été tous écartés : cela a permis de démontrer une fois de plus les obsessions du gouvernement, et de dévoiler le vrai visage du RN, pseudo-parti du « peuple », qui s’est opposé — entre autres — à l’augmentation du SMIC et au rétablissement de l’ISF.
Mais cette « bataille parlementaire » a aussi montré toutes ses limites et l’impossibilité de remporter de véritables victoires pour notre camp dans des institutions faites par et pour les classes dominantes. Nous avons besoin pour cela d’un bouleversement social et politique d’ampleur. Comme nous l’avons dit ces dernières semaines, notre 49.3 à nous, c’est la mobilisation, la grève et le blocage de l’économie ! Deux nouvelles journées de mobilisation ont été annoncées le 27 octobre et le 10 novembre : cela ne répond pas aux urgences de la situation, mais nous devons en faire des points d’appui pour la construction d’un mouvement d’ensemble contre le patronat et le gouvernement, avec des grèves reconductibles et une implication directe des salariéEs et de la population. Cela passe par l’organisation par en bas, dans nos lieux de travail, dans nos quartiers, dans nos villes, dans nos facs et lycées, avec la construction de collectifs de mobilisation, unitaires et militants, en soutien aux grèves en cours et à venir. Pour nos salaires, nos revenus, contre la future réforme des retraites, la bataille continue !