De la défiance ! C’est ainsi qu’on peut résumer le résultat d’un sondage commandé par France Info et Le Figaro, paru le 9 avril 2020. Pour 76 % des Français, le gouvernement a menti au sujet des masques, il n’a été ni clair ni cohérent sur leur usage. Cela vaut certes ce que vaut un sondage, mais confirme la fragilité du pouvoir en place et l’illégitimité de son discours d’union sacrée pour faire face à la crise sanitaire engendrée par le Covid-19.
Depuis le 12 mars, Macron s’est posé en chef de guerre contre cet ennemi invisible, le virus. Il prétend être à la tête d’une armée d’invisibles auxquels il enjoint de se confiner et « en même temps » de continuer à bosser (les soignantEs, caissierEs, les postierEs, les manutentionnaires…), auxquels il dédie remerciements et applaudissements sans les gratifier ni les écouter. Il en appelle à la responsabilité de chacun tout en laissant son gouvernement dire devant touTEs des contre-vérités manifestes.
La politique du désormais si célèbre « en même temps » de la Macronie a fait long feu. Cette crise sanitaire, et ses milliers de morts, révèle au grand jour les conséquences de plus de dix ans de politiques de marchandisation de l’hôpital (malgré les alertes tirées depuis un an par le personnel hospitalier), de gestion à flux tendu des dispositifs sanitaires et des lits. Si l’arrivée d’un nouveau virus fortement contagieux ne pouvaient être anticipée, l’épidémie l’était. Et la casse des services publics de santé relève bien d’un choix politique, depuis longtemps à l’œuvre et jamais mis en cause.
Certes Macron et son gouvernement n’affichent pas le cynisme d’un Trump ou d’un Bojo, mais pour masquer la dégradation des conditions d’exercice, le manque de personnel et les insuffisances de matériel, la caricaturale communication gouvernementale ferait presque rire, si ce n’était pas tragique… à plus d’un titre.
Irresponsables
En voulant préserver ses projets et son image et éviter un grand coup de frein sur l’activité, le gouvernement a, de fait, tardé à prendre les seules mesures possibles. Entre réforme des retraites et élections municipales, le coronavirus faisait figure de petit intrus qui dérange les plannings.
Le 16 février, la ministre de la Santé lâche son poste pour devenir candidate à la mairie de Paris. Ses remords, nourris par sa défaite électorale, sonnent un mois plus tard comme un aveu d’impuissance et d’irresponsabilité. Une fois encore, l’« en même temps » frappe par son incohérence : la fermeture des écoles vient d’être annoncée le 12 mars, mais elles seront ouvertes pour voter dimanche 14 mars.
Quant à la réforme des retraites, le samedi 29 février, lors d’un conseil de défense dédié à la propagation du virus, Édouard Philippe annonce l’utilisation de l’article 49.3 pour la faire adopter. Elle sera suspendue le lundi 16 mars, comme celle de l’assurance-chômage. Le petit intrus est devenu le centre des préoccupations.
Ne nous y trompons, Macron et son gouvernement ne sont pas devenus des défenseurs du socialisme, de la mutualisation et du partage des richesses. Ils mettent l’État au service du système économique et des profits pour amortir la crise. Et leurs premières annonces furent d’abord des cadeaux à destination des grandes entreprises et des banques, avant de s’étendre aux petites et moyennes entreprises. L’exécutif prévoit en fait d’utiliser, comme à la suite de la crise financière de 2008, les dispositifs de redistribution pour qu’ils jouent leur rôle d’amortisseurs de la crise. Ce n’est plus guère le moment de les déréguler et de les casser… mais cela reste leur projet stratégique.
Et la solidarité internationale s’arrête où commence les profits. Une fois de plus, les États et les gouvernements européens se déchirent pour ne pas avoir à payer la note du voisin. Notre camp social n’a nul besoin de ce poison nationaliste et souverainiste. Le virus se joue des frontières, les travailleurs, eux, n’ont pas de patrie. C’est d’un choc des solidarités dont nous avons besoin.
Ni pistages, ni union sacrée : dépistages massifs et arrêt de la production non-essentielle
Pas question que le consentement au confinement (qui reste la seule solution, faute de dépistages massifs, de moyens de protection, de traitement ou de vaccin) soit un chèque en blanc ni au gouvernement ni à la marche des États européens.
De mensonges, dont le but est contôler les populations, en injonctions culpabilisatrices des individus (exercice dans lequel le préfet Lallement s’est illustré brillamment le 2 avril dernier), le gouvernement ne cesse de durcir les mesures de privations de liberté, comme le lui permet la loi d’urgence sanitaire du 23 mars 2020, et de peaufiner son discours anti-social, en s’appuyant sur l’administration et la police, avec des dérives (plus ou moins violentes) pour maintenir l’ordre des profits.
Face à l’effondrement de l’organisation économique et sociale, dont les travailleurs (à commencer par les plus fragiles d’entre eux, et notamment les femmes) paient déjà les frais, l’urgence n’est ni aux pistages, ni à l’union sacrée.
L’urgence c’est une politique de santé publique digne du XXIe siècle avec dépistages massifs, masques en quantité et protection des personnes les plus fragiles. C’est pourquoi l’arrêt de toute production non essentielle – et non un confinement à deux vitesses profondément inégalitaire – peut contribuer à sauver des vies. Les travailleurEs organiséEs, dans leurs boîtes ou leurs quartiers, sont les seulEs à savoir ce qui dans cette période relève de la production essentielle.
Les jeunes et les travailleurs sont capables de décider ce qui relève de la satisfaction des besoins humains, ce qui ressort des biens inaliénables et non marchandisables, dans le respect du vivant. Il est urgent de prendre nos affaires en mains et de décider par nous-mêmes et pour nous-mêmes, en toute confiance. Nous avons un monde à gagner, c’est urgent.