En pleine crise sanitaire et alors que la crise sociale se poursuit et s’approfondit, avec plus de 800 000 emplois déjà supprimés et des menaces qui pèsent contre des centaines de milliers d’autres, Macron et son gouvernement ont décidé de mettre à l’ordre du jour (et à la Une des médias) la « lutte contre le séparatisme ». Une grossière et dangereuse opération de stigmatisation et de diversion.
Vendredi 2 octobre, il n’aura fallu que quelques minutes de discours pour que les masques tombent : pour Macron, « séparatisme » = « islamisme ». S’en est suivie une longue litanie au cours de laquelle le président, tout en prétendant refuser de se laisser entraîner par « le piège de l’amalgame », a aligné les poncifs racistes et islamophobes, sur un ton catastrophiste, jetant la suspicion sur l’ensemble des musulmanEs.
Toujours plus de stigmatisation
Après avoir expliqué que l’un des principaux terreaux de l’« islamisme radical » était le sentiment de relégation chez des populations vivant dans « des quartiers où les promesses de la république n’ont pas été tenues », Macron a dégainé une longue liste de mesures répressives : obligation de neutralité étendue aux salariéEs du privé assurant des délégations de service public ; renforcement du contrôle des associations et des possibilités de les dissoudre ; ingérence accrue de l’État dans le culte musulman, au nom de la volonté de « bâtir un islam des lumières » (sic)…
Ce n’est qu’à la toute fin de son discours qu’il a évoqué la question de la relégation spatiale et sociale, se contentant d’exhiber son bilan (pourtant désastreux en la matière, avec les attaques répétées contre les services publics et le développement accru de la pauvreté, des inégalités et du racisme policier), et de promettre qu’il allait continuer sur la même voie.
Comble de l’arrogance et de la provocation, Macron a expliqué que sa lutte contre le « séparatisme islamiste » reposait sur « cinq piliers » – référence à peine voilée aux cinq piliers de l’islam. Pas à une outrance près, Macron a dénoncé les conducteurs de bus qui refuseraient des passagères en raison de leur « tenue indécente »… devant un parterre de ministres parmi lesquels Jean-Michel Blanquer, pourfendeur des shorts et des tee-shirts trop courts des jeunes filles.
« Les catholiques n’ont rien à craindre »
Dans les jours qui ont suivi le discours de Macron, Gérald Darmanin et Marlène Schiappa ont multiplié les sorties médiatiques, et confirmé ce que l’on avait pu comprendre du discours de Macron. À quelques heures d’intervalle, Darmanin a ainsi déclaré, à propos de la loi « séparatisme » que « l’islam français doit être certain que tous ses fidèles considèrent les lois de la république comme supérieures à celles de leur dieu » (le Journal du dimanche) et que « les catholiques n’ont rien à craindre » (la Croix). Schiappa, de son côté, s’est livré à un lamentable amalgame entre polygamie et nationalité étrangère, expliquant que les situations de « polygamie de fait » déboucheraient sur… des expulsions du territoire.
Alors que pas un jour ne passe sans une nouvelle attaque islamophobe, qu’elle soit physique – agressions, incendies de mosquée – ou verbale – dans les grands médias ou sur les réseaux sociaux –, Macron et son gouvernement, loin de s’opposer à ce racisme antimusulman, le reprennent à leur compte. Pire encore : le discours du 2 octobre et les mesures annoncées vont renforcer encore un peu plus la stigmatisation et les discriminations contre les musulmanEs.
Contre les vrais séparatistes, mobilisation !
Le vrai « séparatisme » est en réalité à rechercher du côté des puissants, de la bourgeoisie et de son gouvernement. Ce sont eux qui excluent, ou laissent exclure, les femmes voilées de tous les aspects de la société, même lorsqu’il s’agit de donner des recettes de cuisine sur internet ou de venir témoigner devant une commission parlementaire. Ce sont eux qui refusent de voir les discriminations structurelles et qui, par leurs discours méritocratiques, les encouragent. Ce sont eux qui maintiennent dans la relégation politique, sociale et spatiale, les populations racisées, les accusant ensuite, sans honte, de préférer se regrouper entre elles plutôt que de « se fondre dans le moule républicain ».
Les riches et les puissants sont les vrais séparatistes, eux qui refusent de contribuer à la solidarité nationale en dissimulant leurs fortunes, par l’évasion et la fraude fiscales, qui se regroupent dans des quartiers réservés aux riches, qui mettent leurs enfants dans des écoles que personne ne peut se payer, organisant une reproduction sociale destinée à perpétuer leur domination.
Il s’agit de s’opposer avec force à ce basculement dans une islamophobie d’État. Des mobilisations sont en préparation contre la loi « séparatisme » notamment à l’initiative du Collectif du 10 novembre contre l’islamophobie, qu’il s’agit d’appuyer et de construire, pour refuser le renforcement des discriminations et des attaques contre les musulmanEs et affirmer que nous ne nous laisserons pas diviser. Contre leur « séparatisme » social, nous devons lutter touTEs ensemble : pour l’emploi avec l’interdiction des licenciements et des suppressions de poste, pour des services publics gratuits et accessibles à touTEs, contre la précarité de nos vies, contre le racisme, avec les sans-papiers le 17 octobre, pour l’égalité !