Dans un rapport publié début juin 1, puis dans une lettre ouverte, plusieurs associations, syndicats et ONG mettent en cause la politique française d’enfermement des étrangerEs jugés illégaux dans les centres de rétention administrative (CRA). Des centres qui fonctionnent, selon ces organisations, « à plein régime », et dans lesquels les droits fondamentaux sont régulièrement bafoués.
« Le gouvernement fait le choix d’utiliser l’enfermement en rétention comme outil d’une politique d’expulsion, banalisant la privation de liberté des personnes étrangères à travers des instructions aux préfets qui viennent aggraver celles de vos prédécesseurs. La disproportion des moyens utilisés au service de cette politique de plus en plus carcérale est inédite. » La vingtaine de signataires de la lettre ouverte publiée le 26 juin2 n’y vont pas par quatre chemins, et s’en prennent directement, et vivement, au ministère de l’Intérieur, nous rappelant que Castaner n’est pas seulement un adepte du LBD et des GLI-F4, mais aussi de l’enfermement et de l’expulsion des étrangerEs.
« Grèves de la faim, émeutes, tentatives d’incendie »
45 851 personnes ont été placées en CRA en 2018, soit un chiffre stable par rapport à 2017, mais avec une tendance à l’augmentation de la durée de rétention. Dans un rapport publié le 4 juin, six associations (Assfam-Groupe SOS, Forum Réfugiés-Cosi, France Terre d’Asile, Cimade, Ordre de Malte, Solidarité Mayotte) indiquent ainsi que « le nombre de personnes enfermées durant plus de 30 jours a explosé, passant de 2 468 en 2016 à 4 432 en 2018 », et s’inquiètent des chiffes à venir pour 2019 dans la mesure où, en vertu de la loi asile-immigration, la durée maximale de rétention est passée de 45 à 90 jours…
Les signataires de la lettre ouverte du 26 juin précisent : « Des hommes et des femmes s’automutilent ou tentent de se suicider dans les CRA. Au cours de ces quinze derniers mois, deux hommes se sont donné la mort dans ces lieux où l’administration enferme des personnes pour les expulser du territoire français. D’autres se révoltent ou expriment leur désespoir à travers des lettres publiques, des grèves de la faim, des émeutes ou des tentatives d’incendie. » Autant de signes du fait que les conditions de détention sont catastrophiques, assimilables à de la maltraitance, voire à de la torture (les signataires évoquent ainsi des « traitements inhumains et dégradants ») et provoquent des situations de détresse et/ou de colère parfaitement légitimes. Le cas de Mayotte est particulièrement alarmant, avec notamment l’enfermement, en 2018, de 1 221 enfants, dans des conditions particulièrement odieuses.
Et rien ne semble devoir inverser la tendance. Dans leur rapport, les associations rappellent ainsi que le gouvernement a décidé « d’accroître très fortement la capacité de ces lieux de privation de liberté » avec 480 places supplémentaires en métropole (pour un total supérieur à 1 500), soit un accroissement qui « n’avait plus été constaté depuis plus d’une décennie ». Conclusion de la lettre ouverte au ministre de l’Intérieur : « La politique menée à l’égard des personnes étrangères est ainsi marquée par des discriminations de plus en plus violentes. Contrôles au faciès, accès dégradé à la justice, privation de liberté disproportionnée voire systématisée, accès aux soins défaillant, protection des plus vulnérables reléguée au second plan. »
Autant d’éléments qui plaident pour une fermeture définitive des CRA, et, au-delà, pour l’ouverture des frontières et la régularisation de touTEs les sans-papiers.
Julien Salingue