Publié le Vendredi 30 janvier 2009 à 12h37.

Guadeloupe : « Unité et détermination »

Depuis le 20 janvier, la Guadeloupe est en grève générale contre la vie chère. Membre de la Centrale des travailleurs unis, Patrice Ganot est également porte-parole du Cercasol (équivalent du NPA).

● La grève générale a été lancée par le collectif Lyannaj kont pwofitasyon (LKP, « Collectif contre l’exploitation outrancière »). Comment ce collectif est-il né ?

Patrice Ganot – En fait, à la fin de l’été 2008, l’Union générale des travailleurs de Guadeloupe (UGTG), syndicat majoritaire, a pris l’initiative de contacter les autres syndicats, notamment la Confédération générale du travail de la Guadeloupe (CGTG) et la Centrale des travailleurs unis (CTU). Mais l’UGTG a également démarché des associations, des partis politiques, des mouvements culturels… Le collectif est officiellement apparu en décembre. L’idée était d’avoir une action importante en Guadeloupe pour obtenir un certain nombre de choses, le « produit d’appel » étant la baisse du prix de l’essence. D’autres problèmes existent, mais celui-ci parle à tout le monde.

● Le mouvement actuel a connu des prémices en décembre…

P. Ganot – En décembre, dans le sillage de la révolte guyanaise, un mouvement d’ampleur a permis d’obtenir une baisse substantielle du prix des carburants, y compris de celui des bouteilles de gaz (ce qui est très populaire). Mais il y avait un marché de dupes : la baisse a été obtenue grâce au concours des finances régionales.On nous baissait l’essence… car nous l’avions déjà payée ! Et, surtout, le problème ne se limitait pas au prix des carburants. Alors, le collectif a maintenu ses revendications, sur une base élargie. Le mal-être guadeloupéen s’étant fortement exprimé les mardi 16 et mercredi 17 décembre, il a été décidé d’appeler à la grève générale illimitée pour le 20 janvier.

● Qu’avez-vous fait durant ce laps de temps ?

P. Ganot – On a mobilisé. Quinze sigles se retrouvaient dans la plateforme, en décembre ; il y en a maintenant 49. Toute la Guadeloupe s’y retrouve. Au fur et à mesure que des groupes – pêcheurs, agriculteurs, associations de locataires… – arrivaient, les revendications s’allongeaient : nous en avons désormais 143 derrière nos revendications. Unité et détermination sont extraordinaires. Il y a eu des meetings unitaires dans toutes les villes. Tous nos ressentiments sont mis de côté, car c’est le devenir de la Guadeloupe qui est en jeu.

● Quelle est la situation actuellement ?

P. Ganot – Comme tous les syndicats sont de la partie, toutes les entreprises ou presque, sont en grève. Là où il y a des difficultés, on va voir le patron : quand il est guadeloupéen, on lui fait comprendre que c’est un peu son avenir qui est en jeu. Il y a des barrages routiers, les plus durs étant tenus par des jeunes souvent désespérés. On mène des opérations escargot, et on fait des manifestations improvisées. Chaque jour, on innove ! Il faut remonter à 1985 pour retrouver une telle mobilisation.

● Comment réagit la population ?

P. Ganot – Quand on passe avec nos fanions, les gens nous crient « Kenbé rèd ! » (« Tenez bon ! »). Au quotidien, ils sont gênés par la grève, mais nous ne recevons que des encouragements. Dimanche 25 janvier, 40 000 personnes [sur un total de 410 000 habitants, NDLR] ont défilé.

● Des négociations entre le LKP, le patronat, l’État et les élus ont commencé. Quelles sont vos revendications intangibles ?

P. Ganot – On a bien conscience que la plateforme est énorme. Il y a du court, du moyen et du long terme. Mais le collectif est ferme sur certaines revendications : le relèvement de 200 euros des bas salaires, des retraites et des minima sociaux ; le relèvement immédiat du Smic ; l’indexation des salaires sur le coût réel de la vie ; la baisse des impôts et des taxes.

● Quelle est la portée politique de ce mouvement ?

P. Ganot – L’étendue de la plateforme pose la question de la situation institutionnelle et statutaire de la Guadeloupe. Tout le monde, y compris les patrons, admet qu’il y a un problème en Guadeloupe. Mais les questions posées débordent le cadre guadeloupéen. On se rend bien compte que les pouvoirs, en Guadeloupe, sont incapables de répondre aux questions que pose le peuple guadeloupéen. ■

Propos recueillis par Thomas Mitch