Exercice réussi, commente la presse tout entière attachée à discuter de la forme après la conférence de presse de François Hollande mardi 13 novembre. « Hollande sort le grand je » titre Libération. « le Président était dans son costume, avec une aisance, une autorité et une solennité qui ne juraient pas avec l’esprit de la Ve République ». Et voilà la gauche libérale rassurée, le président normal a pris de la hauteur sous les ors des salons de l’Élysée, un président responsable… vis-à-vis des patrons.Les Échos commentent : « La conférence de presse de François Hollande avait un objectif politique et un seul : montrer que le président de la République tient les commandes. De ce point de vue, l’exercice d’hier a été réussi. Sur la forme, le chef de l’État s’est montré solide, évitant toute annonce spectaculaire qui aurait pollué cette opération séduction des médias ». Séduction des médias, peut-être, de l’opinion ouvrière et populaire, certainement pas, bien au contraire. Ce n’est pas elle que Hollande voulait convaincre. Posant au chef d’État il a assumé l’impopularité. « Je ne prépare pas le sort d’une prochaine élection, je prépare le sort d’une prochaine génération.(…) La seule question qui vaille, ce n’est pas l’état de l’opinion aujourd’hui, c’est l’état de la France dans cinq ans. (…) Je suis aujourd’hui un président responsable, pleinement responsable, responsable de tout mais qui ne décide pas de tout. » Pour finalement affirmer plein de suffisance : « Je suis élu de toute une nation. » La messe était dite !
Un catalogue de reculs sociauxPour le bon peuple, malgré l’enrobage verbeux, les propos étaient, sans surprise, mauvais. Il y aura « une hausse continue du chômage pendant un an », affirme Hollande tout en essayant de faire croire au mirage de « parvenir à redresser la croissance et à réduire le chômage » d’ici la fin de 2013. Sur la réforme du marché du travail, il appelle syndicats et patrons à « faire un compromis historique » pour aller vers plus de flexibilité, de précarité. Il vante « l’esprit d’entreprise », flatte les patrons pour esquiver l’offensive engagée contre le « coût du travail » par une formule : « Il n’est pas tout mais est tout sauf rien ». Quelle hauteur de vue !La priorité est donnée au désendettement par la réduction des déficits « à marche forcée ». Sur le plan de la dépense publique, il souhaite, sans rire, « faire mieux en dépensant moins », avec un objectif de 60milliards d’euros d’économies sur cinq ans, et confirme les hausses de TVA dont il avait dit qu’il n’en était pas question… L’autre priorité, la « réorientation de l’Europe », se résume en fait à la mise en œuvre du traité « Merkozy ».Sur les gaz de schiste, il dit rester sur ses positions tout en déclarant « la recherche est possible sur d’autres techniques que celle de la fracturation hydraulique ». À propos du droit de vote des étrangers, la dérobade est claire, « un référendum, en ce moment ? Si nous n’aboutissons pas par la voie parlementaire, je verrai dans quel état est notre nation, mais aujourd’hui, ce n’est pas dans mon intention ». En clair, si la droite n’est pas d’accord, je ne bouge pas… Et cerise sur le gâteau, il a repris à son compte la fable de Valls concernant l’extradition d’Aurore Martin : « À aucun moment, ni la garde des Sceaux ni le ministre de l’Intérieur et a fortiori moi-même, n’avons été interpellés pour dire quoi que ce soit au nom de la France ».
Alignement sur l’impérialisme américainSur le plan international, là encore, c’est la continuité. La France reste alignée sur la politique des USA, que ce soit sur la Syrie ou l’Otan. « Une décision de sortir ne serait comprise par absolument personne et ne nous apporterait absolument rien. Nous n’aurions pas les arguments. De Gaulle a eu raison à l’époque, aujourd’hui, ce n’est pas du tout le cas. »Une des dernières questions portait sur les manifestations contre l’austérité du 14 novembre. Hollande n’a pas craint de dire que les manifestants seraient dans la rue pour soutenir sa politique, puisqu’ils demandaient des réponses à la crise ! Dommage qu’il ne soit pas venu à la manif pour mesurer la popularité de sa politique d’austérité et de baisse du « coût du travail »…L’autosatisfaction ne suffit pas à convaincre. Au contraire.Yvan Lemaitre