Publié le Mardi 4 février 2025 à 15h00.

IA : l’État français offre un boulevard à la surveillance de masse

Reconnaissance faciale en temps réel, fichage des orientations politiques, sexuelles et religieuses, recherche de signaux contestataires (keffieh, badges, tatouages, etc.). Depuis des mois, le gouvernement mène une campagne acharnée pour faire de l’Union européenne le fleuron de la surveillance de masse par intelligence artificielle (IA).

Le 2 février entrent en vigueur les articles sur les « risques inacceptables » du règlement de l’UE sur l’intelligence artificielle (AI Act). Dès lors, des caméras de surveillance assistées de l’IA pourront ficher toute personne sur la base de « la race, les opinions politiques, l’affiliation à une organisation syndicale, les convictions religieuses ou l’orientation sexuelle » en toute légalité !

Sécurité nationale et maintien de l’ordre

Si on se faisait peu d’illusions sur la façon dont l’UE allait encadrer l’usage de l’IA et les risques dits « inacceptables » pour les libertés publiques qui en découlent, on ne s’attendait pas forcément à ce que ce soit la France qui fasse pression de tout son poids pour saborder les négociations qui ont conduit au règlement concernant l’intelligence artificielle au Parlement européen et imposer ses vues.

D’après les fuites compilées par les journaux Disclose et Investigate Europe, « la France considère que l’ordre public fait partie de la sécurité nationale, c’est pourquoi elle a réclamé que tous les aspects du maintien de l’ordre soient exclus du règlement. Elle est le seul pays à avoir demandé cette exclusion totale ». Le ton est donné, et le moins qu’on puisse dire c’est que Matignon n’a pas transigé sur le sujet.

Dans un courrier confidentiel du Secrétariat général aux Affaires européennes (SGAE), la France estime « capital de conserver la possibilité de rechercher une personne selon des critères objectifs comme la croyance religieuse ou l’opinion politique » grâce à la détection algorithmique du « port d’un signe distinctif ou d’un accessoire, lorsque cette personne est impliquée dans l’extrémisme violent ou présente un risque terroriste ».

Surveillance généralisée de l’espace public

En invoquant la « sécurité nationale » comme prétexte, la macronie a combattu férocement pour transformer la législation en un blanc-seing pour la surveillance généralisée et intrusive de l’espace public. Une bataille remportée à Bruxelles, puisqu’au terme des négociations, l’article 2.3 de l’AI Act stipule finalement que « le présent règlement […] ne porte pas atteinte aux compétences des États membres en matière de sécurité nationale » ouvrant une brèche sans précédent en matière de contrôle de masse !

Un marché important

Que cache cet acharnement de la France contre l’AI Act ? Sans grande surprise, des copinages entre la macronie et le capitalisme. Car depuis le début des négociations, ce qui se joue pour l’Élysée c’est d’empêcher la régulation d’un marché juteux.

En effet, le torpillage de l’AI Act crée un pont d’or que le pouvoir offre aux grandes entreprises et à l’une d’elles en particulier : Mistral AI. Cette entreprise française, à la pointe en matière de modèles de langage IA, devrait bénéficier très largement de la souplesse du règlement européen.

Un hasard si l’un de ses principaux actionnaires n’est autre que Cédric O, ancien secrétaire d’État au numérique reconverti en lobbyiste prônant la dérégulation de l’intelligence artificielle et ami très proche de Macron depuis plus de dix ans… ?

Rackham

Sources