Dans la ligne de mire de ce mois de mars, nous avons les élections européennes et les jeux Olympiques qui sont assez révélateurs du climat raciste et nationaliste de ce début d’année.
Tout d’abord sur les européennes : ce scrutin déclenche peu d’enthousiasme mais a pourtant certains enjeux. La campagne qui se dessine pourrait avoir pour base le renforcement des fondements de l’Europe sur lesquels un grand nombre de pays commencent à s’accorder : le contrôle aux frontières et le maintien mortel et mortifère de la forteresse Europe.
L’Europe forteresse, des chiffres accablants
Alors qu’on estime à 8 000 le nombre de personnes qui ont péri durant la traversée de la Méditerranée en 2023, l’Europe forteresse ne cesse d’augmenter le budget militaire de la seule force militaire européenne, Frontex. Un budget colossal – 800 millions d’euros en 2023 – pour organiser la surveillance, le contrôle, le fichage high-tech des migrants. Ce budget permet de créer des murs physiques et de transformer la Méditerranée en cimetière. Frontex sert à organiser le refoulement de milliers de personnes venues d’Afrique mais aussi du Moyen-Orient et notamment maintenant de Gaza. Au sujet des refoulements – illégaux – opérés en mer, la direction de Frontex a été reconnue coupable et le responsable démissionnaire est français et figure en bonne position – troisième – sur la liste RN pour ces élections européennes.
La question des frontières et des migrations est la focale de l’émergence, le renforcement et la consolidation de toutes les organisations d’extrême droite en Europe. La Hongrie, l’Italie mais aussi les Pays-Bas, l’Allemagne et maintenant le Portugal où le parti raciste Chega a fait une percée spectaculaire le 13 mars dernier avec leur slogan « Dieu, patrie, famille et travail » (sic) au parlement national, en multipliant par quatre le nombre de ses députéEs. Ainsi la question du racisme reste une question européenne et une lame de fond qui en est la dominante principale y compris dans le soutien quasi unanime à Israël dans son génocide.
Le racisme reste une question française spécifique
Lors de l’annonce de la possible prestation de la chanteuse Aya Nakamura pour les jeux Olympiques, une polémique raciste s’est enclenchée, lancée encore une fois par l’extrême droite et relayée par la droite. Cette polémique revient à chaque fois qu’un·e artiste non blanc a l’honneur d’avoir un impact national : le concert de Black M en commémoration des Poilus, Youssoupha en soutien aux Bleus. Il s’agit de classiques des peurs de la droite et de l’extrême droite de laisser penser que des personnes non-blanches puissent représenter la France.
Même si le parti de Macron ne s’est pas laissé piéger et a condamné le racisme contre Aya, il est évident que c’est plus pour se démarquer politiquement que par conviction. Car le gouvernement Macron est clairement à l’origine de l’ambiance raciste qui règne en ce moment, et notamment avec la dernière séquence en date sur la nouvelle loi immigration qui instaurait, avant sa censure par le Conseil constitutionnel, la préférence nationale, en plus d’attaques toujours plus démesurées contre les migrant·es et le droit d’asile.
La montée et la domination du RN des conclusions logiques
En décembre dernier, un sondage indiquait que 45 % des français·es ne voyaient aucun souci à ce que le RN fasse partie d’un gouvernement ou même dirige le pays. Avec toutes les pincettes qu’il faut prendre sur ce genre de sondage, il est clair que le RN est en position d’obtenir à terme une audience suffisante pour cela. Il est d’ailleurs prédit en tête du scrutin de juin.
Prétendant défendre les classes populaires, le RN est en réalité sans réelle colonne vertébrale idéologique autre que le suprémacisme blanc. Il peut passer d’un aspect social ou pro business dans le même souffle. Au final, sur ses années d’existence, le seul socle commun est l’immigration et le racisme. Ainsi, toutes les prises de position du RN, notamment par sa présence à l’Assemblée nationale, sont à analyser à l’aune de la préférence nationale et d’un soutien au patronat légèrement déguisé pour paraître populaire : soutien aux revendications salariales mais vote des exonérations de charges et contre l’augmentation du SMIC. Pour les agriculteurs mais contre les normes environnementales qui les protègent, etc.
Le vote RN n’est pourtant pas une fatalité
Il se nourrit du racisme mis en avant par les gouvernements successifs et accompagné par les médias dominants. Il ne dépend pas d’un effet migratoire car il a été montré que « dans les quartiers ouvriers, le vote en faveur du RN lors du scrutin présidentiel de 2017 est d’autant plus faible que la présence immigrée est forte dans la ville. »1
Le vote RN est un vote de déclassement social ET racial. Ainsi une lutte vigoureuse contre le racisme en soutien aux personnes des quartiers populaires est une stratégie qui pourrait le faire reculer. Les alliances sont à chercher de ce côté ; contre le racisme et l’islamophobie, contre des JO nationalistes et destructeurs des quartiers, contre l’Europe des frontières et des contrôles migratoires, pour des services publics pour toutes et tous.
- 1. « La figure de l’étranger, ce repoussoir imaginaire : comment le vote RN a évolué », Le Monde, 17 novembre 2023, Anne Chemin.