Publié le Mardi 1 octobre 2024 à 12h00.

La campagne dans l’Aude est significative

Après l’annonce de la dissolution de l’Assemblée nationale, le NPA-A a choisi de rejoindre le Nouveau front populaire dès sa création. Une décision prise à l’unanimité par son conseil politique national (CPN), grâce au travail mené sur la réorientation du parti ces dernières années. Une politique unitaire qui a permis de s’insérer dans le NFP et d’arracher sur le fil une circonscription avec Philippe Poutou et Pauline Salingue comme candidat·es.

 

On peut regretter de n’avoir obtenu qu’une unique circonscription pour ces législatives mais cela a contribué à l’incarnation de la présence des anticapitalistes dans le Nouveau front populaire (NFP) et donné une légitimité aux camarades pour participer aux campagnes unitaires dans leur circonscription. La première circonscription de l’Aude s’étend sur un large territoire allant de la Montagne noire au sud de Carcassonne et englobant une partie des Corbières et du Minervois. Si le Carcassonnais représente une part conséquente de l’électorat, faire campagne dans les zones rurales sur un temps aussi restreint représente un véritable défi.

Un territoire contrasté

L’Aude est le troisième département le plus pauvre de France (hors DROM-COM). Le taux de chômage des 18-40 ans y est très élevé (30 %), les jeunes souffrent de l’absence d’université et partent massivement pour étudier ou travailler dans les métropoles de la région. Plus largement, le recul des services publics est une préoccupation majeure. 

La viticulture a une place centrale dans l’activité économique. Ces dernières années, l’Aude est confrontée à des problèmes de sécheresse. La gestion de l’eau est un enjeu primordial sur cette terre agricole fortement impactée par le changement climatique. Dans le secteur privé, la situation est également dégradée, la majorité des entreprises avec un nombre conséquent d’ouvriers et d’employés ayant fermé. 

L’Aude a une forte histoire de luttes paysannes et ouvrières. Historiquement ancrées à gauche, les trois circonscriptions du département sont passées au RN en 2022. Une situation dans laquelle la direction régionale du PS est partie prenante, Carole Delga (présidente du conseil régional) ayant soutenu les candidatures dissidentes face à la NUPES. Si en 2024 elle fait le choix du NFP, cela ne l’empêchera pas de soutenir Aurélien Turchetto, qui se présente comme « divers gauche » face à Philippe Poutou. 

Une campagne fortement polarisée

La circonscription était initialement promise à LFI, dans un contexte d’éclatement de la gauche, avec un PS divisé et anciennement hégémonique qui tient le Conseil départemental et de nombreuses mairies mais qui recule face au RN. Le PCF et les Écologistes ont une implantation réelle sur la circonscription. LFI est moins implantée institutionnellement mais dispose néanmoins d’un large réseau militant. Quant au NPA, il a quelques militants dans l’Aude, concentrés dans le Narbonnais (2e circonscription), toutefois certains de nos camarades ont des attaches à Carcassonne. 

Le député de la circonscription, Christophe Barthès, se revendique comme étant le « Trump occitan » : ultra-sexiste, climatosceptique, royaliste, nostalgique de l’Algérie française… En face de lui, le NFP représenté par Philippe, ancien candidat à la présidentielle pour le NPA. Difficile de faire plus opposés sur l’échiquier politique. Cela s’est rapidement ressenti, avec une campagne très polarisée entre extrême gauche et extrême droite, faisant presque oublier les autres candidats qui ont paru très en retrait.

Quelles bases pour cette campagne ?

Il y avait un double enjeu pour l’équipe de campagne renforcée par des camarades d’autres départements : entraîner l’ensemble des organisations du NFP derrière nous et organiser la campagne militante. Une tâche ardue étant donné le peu de temps dont nous disposions.

Évidemment, le parachutage de notre candidature a été mal accueilli par les autres composantes locales du NFP. Le début de campagne a donc été principalement consacré à créer un rapport de confiance et à s’assurer le soutien du reste du NFP afin d’élargir notre base. Nous avons centré la campagne sur les questions sociales et nous avons mis en place une direction de campagne collective et unitaire qui s’est réunie chaque jour. Un travail qui a payé et nous a permis de travailler avec toutes les forces du NFP, y compris le PS carcassonnais, mais aussi des syndicats, collectifs et associations. 

Le second enjeu était d’organiser rapidement la campagne de terrain : trouver un local de campagne, imprimer les tracts et affiches, organiser l’afflux de militants… Le 18 juin nous avons lancé la campagne avec un comité d’accueil pour l’arrivée de Philippe. 220 personnes étaient réunies et plus de la moitié ont fait savoir qu’elles souhaitaient s’impliquer. 

Nous avions initialement prévu d’ouvrir le local quelques heures par jour mais, dès le 19 juin, l’afflux de militants a été tel que nous avons tenu une permanence de 9h à 19h non-stop tous les jours. Le local a été un lieu de rencontre pour les militants et sympathisants des différentes forces politiques et cela a largement contribué à créer de la cohésion et de la convivialité.

En plus des connaissances du territoire et de la forte implication de nos camarades du NPA de l’Aude, nous avons pu compter sur une solide base de militants du NPA extérieurs à la circo qui sont venus prêter main forte, pour tout ou partie de la campagne, avec un soutien massif des départements voisins les jours de meeting. Nous avons ainsi pu optimiser l’utilisation des énergies militantes disponibles sur place. Ce travail commun a créé et consolidé des liens militants forts entre camarades venus de toute la France. Nous avons également pu compter sur l’investissement important de militants des autres organisations du NFP mais aussi de nombreux sympathisants et primo militants. Un renouvellement de nos forces qu’on espère voir perdurer au-delà des élections. 

Parmi les temps forts de la campagne, on peut noter 120 militants devant le local pour la fête de la musique, 400 personnes au meeting de Marseillette le 27 juin et plus de 700 personnes au meeting de Carcassonne, le plus important que la ville ait connu depuis l’élection de Mitterrand en 1981. Des chiffres qui illustrent bien le dynamisme de cette campagne et l’engouement qu’elle a réussi à faire naître en quelques jours à peine. 

Des rapports tendus avec la presse locale

Rien ne nous aura été épargné. La presse locale s’est fait le relai des calomnies des autres candidats, du RN au dissident PS en passant par le marcroniste, expliquant que nous soutenions le Hamas dans la circo où un gendarme a été assassiné par un islamiste. L’indépendant a même été jusqu’à publier une fausse citation de Philippe qui aurait traité les maires des petites communes de fainéants et dans, l’entre-deux tours, le journal a enlevé de son interview écrite les passages de critiques du candidat RN. Quant à La Dépêche, elle a rompu la trêve électorale en publiant le samedi, veille du second tour, un appel à ne pas voter Poutou émanant du dissident PS éliminé au premier tour. 

France 3 Régions a de son côté assez peu couvert la campagne. Le moment de plus forte visibilité a été le débat avant le premier tour mais le RN a refusé d’y participer en invoquant l’indignité de la candidature du NPA, « soutien aux égorgeurs de policiers ». Nous avons fait le choix d’y participer face aux candidats Ensemble et PS dissident. La prestation de Philippe nous a permis de marquer des points.

Un résultat historique pour une candidature issue de notre courant

Le dynamisme de notre campagne et l’unité que nous sommes parvenu·es à créer et consolider ont permis de déjouer les pronostics et de nous qualifier au second tour avec 18,7% des voix, éliminant le dissident PS et le candidat macroniste. Le RN, sans concurrence des LR, a failli être élu dès le premier tour avec 49,3 % des suffrages. Dans l’entre-deux tours, nous avons réussi à rallier la majorité du PS et à obtenir des soutiens nationaux tels qu’Olivier Faure, Marine Tondelier, Sandrine Rousseau ou Hadrien Clouet. 

Le PS dissident n’a pas appelé à voter pour nous, se contentant d’un « Pas une voix pour le RN » quand le candidat macroniste a appelé à ne pas donner une voix à Philippe Poutou. Cela n’a pas empêché la campagne militante de s’amplifier et nous avons réussi à doubler le nombre de voix en une semaine avec 38,56% au second tour. Le RN gagne 4 000 voix avec une participation stable. À Carcassonne, nous sommes en tête dans plusieurs bureaux des quartiers populaires et nous frôlons les 50 % sur la ville. Mais dans les villages, le score du RN est écrasant, avoisinant régulièrement les 70 %. Enfin, les votes blancs et nuls explosent entre les deux tours passant de 4 à 12 %.

Et maintenant ? 

Nous savions cette circonscription très difficilement gagnable. Le RN progresse partout, il était quasi impossible de battre un député sortant mais nous avons prouvé que nous pouvons entraîner autour de nous et avoir une influence de masse. En trois semaines, nous avons agrégé des forces sociales qui se sont tournées vers l’extérieur pour en convaincre de nouvelles de se tourner vers nous. 

Nous l’avons vu lors de ces élections, le centre connaît trop bien ses intérêts économiques pour voter pour nous. Il y a donc deux directions dans lesquelles le NFP doit travailler dans ce type de configuration. La première est de renforcer la participation dans les quartiers populaires, qui nous sont favorables. La seconde est de mordre sur l’électorat du RN, ce qui était impossible dans un délai aussi court. Pour cela, quelles questions mettre en avant ? Comment faire bouger les lignes ? Il faut retrouver une intervention dans les milieux ruraux, pas seulement en période électorale, notamment autour de la question des services publics. Mais il y a aussi un enjeu majeur à faire reculer le racisme, cette tâche est incontournable pour la gauche sociale et politique.

Enfin, il faut maintenir la dynamique après la campagne, notamment sur le terrain des luttes sociales, seules à même de modifier en profondeur les rapports de forces globaux. Nous ne savons pas quelles seront les prochaines échéances électorales mais dans un contexte d’instabilité institutionnelle, nous pensons que nous devons avoir une continuité d’intervention du NPA dans « notre » circonscription. Dans cette optique, nous participons conjointement à la création d’un comité NFP et d’un comité NPA à Carcassonne.