Profitant de la très grosse abstention, le Parti socialiste effectue une percée électorale dans le sillage de la victoire d’Hollande à la présidentielle. S’il n’y a pas eu de vague rose en ce premier tour des élections législatives, cette percée socialiste se fait au détriment du reste de la gauche, en particulier de ses partenaires gouvernementaux écologistes mais aussi du Front de Gauche.L’abstention profite toujours aux grands partis et cette élection n’a pas dérogé à la règle. Avec plus de 42 % (par rapport aux électeurs inscrits sur les listes électorales), cette abstention, supérieure à celle qui avait été enregistrée en 2007, représente un record pour des élections législatives sous la ve République. Et c’est donc le Parti socialiste qui en profite pleinement.Vote utile pour le PSLe Parti socialiste, accompagné de ses alliés traditionnels – radicaux de gauche et divers gauche, plus quelques circonscriptions offertes au Mouvement républicain et citoyen de Jean-Pierre Chevènement – a recueilli en tout 34,43 %. La propagande du PS, qui distillait depuis un mois les annonces souvent symboliques et martelait qu’il fallait donner une large majorité « au changement », a à l’évidence eu ses limites. La meilleure preuve en est encore l’abstention massive. Car à la différence par exemple de 1981, il n’y a pas eu de dynamique après l’élection d’Hollande. Pour autant, le succès est bien réel, comme en témoigne l’élection dès le premier tour de six membres du gouvernement (Fabius, Batho...) dont le premier d’entre eux Jean-Marc Ayrault. Et le second tour, ce dimanche 17 juin, risque bien de confirmer le phénomène, avec en perspective une Assemblée nationale où les socialistes pourraient seuls avoir la majorité absolue, sans avoir besoin d’autres appuis.Le réflexe du « vote utile » a donc pleinement profité au PS. C’est dans leur très grande majorité le choix des électeurs de gauche qui sont allés voter, tout comme celui des électeurs qui ont préféré s’abstenir plutôt que d’émettre un vote perçu comme peu utile dans la situation politique post-6 mai. C’est pour cela que les résultats du Front de Gauche, de l’extrême gauche, et même d’Europe Écologie Les Verts ont été plus faibles qu’attendus.Déception et interrogationsAvec respectivement 5,5 % et un peu moins de 7 % des voix, EÉLV et le Front de Gauche voient leurs possibles groupes parlementaires à l’Assemblée nationale fortement menacés. Pour autant, l’opération n’est peut-être pas si mauvaise pour les amis de Cécile Duflot qui effacent ainsi les faibles résultats de la campagne d’Eva Joly, même au prix d’un accord électoral sacrifiant les principaux points programmatiques des Verts.Pour le Front de Gauche, ce premier tour des élections législatives marque le premier recul depuis sa constitution en 2009. La défaite très médiatisée de Jean-Luc Mélenchon à Hénin-Beaumont ne doit pas faire oublier que bien des candidats importants issus du PCF ou du PG sont aussi hors course ou en très grande difficulté sous la poussée socialiste, comme Martine Billard, Jean-Pierre Brard, Roland Muzeau ou Patrick Braouzec. Le Front de Gauche ne retrouvera donc pas ses dix-neuf députés sortants, et n’arrivera certainement pas à constituer un groupe parlementaire.À n’en pas douter, cette situation va redistribuer les cartes en son sein en faveur d’une direction du PCF plus favorable à un rapprochement avec le PS au pouvoir. Dès dimanche soir, les déclarations ne se sont pas fait attendre. Ainsi Buffet souhaitant « faire réussir la gauche » affirme qu’elle et ses amis seront à l’Assemblée « dans la majorité de gauche avec une volonté constructive et autonome ». À quelques jours de la consultation nationale des militants du PCF sur une possible participation gouvernementale, il ne faut donc exclure aucune possibilité. Et même si une entrée au gouvernement semble peu probable, la question des rapports au Parti socialiste et à sa majorité politique reste plus que jamais posée.
Manu Bichindaritz