PRESSE:
Régionales : Un « laboratoire d'idées » pour la gauche
in Montagne (La) [09/02/2010] Alain Albinet
L'exception limousine : une alliance Parti de gauche-Parti communiste-Parti anticapitaliste
Socialistes d'un côté, PCF-NPA et PG de l'autre, les Verts en embuscade. Toutes les listes de gauche parlent d'union... chacune dans son coin. Le grand comptage du premier tour risque de laisser des traces. Exploration en Corrèze.
Qu'elles soient à double ou à triple détente, les élections régionales du 14 et 21 mars ne s'annoncent pas de tout repos pour la gauche en Limousin. Et plus spécifiquement en Corrèze. Non qu'il y ait une contestation majeure sur le bilan d'une gestion socialiste engagée depuis 1986, ni une grosse incertitude sur l'issue du scrutin. Mais plutôt une difficulté à dépasser les clivages partisans, à jouer groupé, à enclencher une nouvelle dynamique pour affronter sereinement un mandat et des échéances futures. En clair, la gauche doit éviter le risque d'une victoire à la Pyrrhus n'ouvrant sur aucune perspective unitaire. Tentative d'explications en Corrèze, l'un des trois départements de la région.
1. Un PS qui croit en la providence. Après avoir décliné à l'échelon départemental les zizanies du national, le PS a évité, in extremis, l'écueil d'avoir deux listes concurrentes en son sein. Ses grandes lignes de fracture datant du référendum sur la constitution européenne et des dernières présidentielles sont toujours béantes. Mais la présence de François Hollande et l'idée qu'il pourrait avoir une destinée nationale servent de ciment dans une Corrèze habituée aux hommes providentiels.
2. Des Verts boostés par les Européennes. Les 11 % des suffrages glanés en Corrèze par la liste Europe écologie, en juin 2009, ont donné des ailes à des Verts qui souhaitent influer davantage sur les exécutifs régionaux. Peu enracinés dans nos territoires, ils pourraient encore profiter de la vague écolo... et de quelques amertumes socialistes. Mais pas sûr que cela suffise pour peser au second tour autrement que comme une force d'appoint.
3. Un PCF qui veut ressusciter. En perte de vitesse, élection après élection (mis à part avec les 10, 4 % du Front de gauche aux Européennes), le Parti communiste cherche la meilleure façon de ne pas mourir à cause de l'érosion de son électorat et de l'étouffement du PS. Impliqués dans des gestions d'union de la gauche à la Région, au Département et dans beaucoup de municipalités, ses élus étaient plutôt d'avis de repartir sur des listes unitaires avec les socialistes. Mais à plus de 80 %, les militants du PCF ont préféré l'option d'un Front de gauche élargi. Une stratégie risquée car, en cas d'échec au premier tour, le PC passerait définitivement en dessous de la ligne de flottaison. C'est pour cela que son chef de file régional, Christian Audouin, ménage ses « concurrents et non adversaires » socialistes dans la perspective « d'un accord politique, pas d'un alignement systématique » au deuxième tour.
4. Un NPA qui fait sa « révolution ». Si le PCF utilise des précautions oratoires vis-à-vis du PS, ses alliés du Nouveau parti anticapitaliste (NPA) ne s'en encombrent pas. Avec Véronique Momenteau, la formation d'Olivier Besancenot a obtenu d'être chef de file corrézien de la liste Limousin terre de gauche, regroupant PCF, NPA et parti de gauche (PG). « Ce que nous sommes en train de construire est unique à l'échelle régionale. Nous prouverons qu'il est possible de le faire à l'échelle nationale », a-t-elle affirmé, lors du meeting de Tulle auquel participait Marie-George Buffet. La secrétaire nationale du PCF semblait un peu plus tiède sur le sujet, préférant le « rêve » d'un « véritable Front populaire ». Mais durant cette campagne, .c'est Christian Nguyen, de la direction du NPA, qui a le plus chauffé la salle en lançant à propos de « François H » : « De cette cuisine-là, on n'en veut plus... Pas question de repeindre le capitalisme en vert ou rose, dans un Limousin rouge vif et vert foncé ».
5. Le pompon de la recomposition. Le PCF devra donc composer avec un allié NPA qui s'annonce turbulent et dont l'aptitude à mettre les mains dans le cambouis de la gestion quotidienne s'avère incertaine malgré les déclarations de principe. Dans le cas d'un résultat médiocre, la gauche limousine pourrait voir disparaître là une de ses composantes historiques. En cas de succès, les communistes tireraient le pompon d'une recomposition en devenir et le Limousin ferait figure de laboratoire d'idées sur la carte de France de la politique. C'est l'un des enjeux de cette élection.