Comprendre les rapports entre la Russie et l’Ukraine exige d’opérer un retour sur l’Histoire. La domination impériale de la Russie a profondément affecté et continue d’influencer de façon décisive les développements économiques et politiques en Ukraine.1
La nationalisme sous ses différents aspects hante tous les aspects des conflits et contradictions aujourd’hui à l’œuvre en Ukraine.
Cela a été le cas en Crimée, annexée par la Russie après sa prise de contrôle militaire, en riposte au renversement du président Viktor Ianoukovitch et à la mise en place à Kiev d’un gouvernement pro-occidental. Avec un discours qui rappelle les prétextes « humanitaires » des interventions militaires US, les dirigeants russes ont justifié leur action en Crimée par la nécessité de défendre ses habitants d’origine russe, majoritaires, de mesures répressives imposées par le nouveau gouvernement de Kiev, dominé par des nationalistes ukrainiens.
La population de Crimée est composée à 20 % d’habitants d’origine ukrainienne et à 15 % de Tatars, une population turque musulmane qui vivait dans la péninsule avant sa déportation en masse par Staline, à la fin de la Deuxième Guerre mondiale. Les Tatars, qui n’ont été autorisés à rentrer en Crimée que dans les années 1980, ont de bonnes raisons de craindre un statut de citoyens de seconde zone dans une Crimée russifiée.
Pendant ce temps, à Kiev, le nouveau gouvernement ukrainien, dominé par des partis de centre-droit et d’extrême droite, fait appel au nationalisme pour solidifier sa base de soutien, principalement dans les parties ouest et nord du pays. L’un des premiers actes du parlement post-Ianoukovitch a été d’abroger une loi accordant localement le statut de langue officielle à d’autres langues que l’ukrainien (le président intérimaire y a cependant opposé son véto).
Et cela, bien que beaucoup des leaders de l’opposition – comme les candidats à la présidentielle Vitali Klitschko et Ioulia Timochenko, ou le nouveau premier ministre Arseni Yatseniouk – aient le russe pour première langue. Les préférences linguistiques ne sont pas la clé des positionnements politiques.
De l’empire des Tsars au stalinisme
Comprendre aujourd’hui la question nationale en Ukraine exige de connaître l’histoire du pays, en particulier son assujettissement par la Russie, d’abord sous l’empire des Tsars puis, après la victoire de la contre-révolution stalinienne, dans le cadre de l’ex-URSS. Ainsi que le marxiste révolutionnaire russe Ilya Boudraitskis le souligne dans une interview à la revue allemande Marx 212, la centralité du nationalisme en Ukraine résulte de la façon dont l’Ukraine a été fondée en tant que nation indépendante – à travers l’effondrement de l’Union soviétique en 1991. C’est pour cela que le nationalisme a un tel pouvoir de conviction. La mentalité populaire correspond à celle d’une ancienne colonie. La plupart des Ukrainiens pense que le plus important est de ne pas être dominé par une puissance étrangère.
La domination russe en Ukraine date de la seconde moitié du 17ème siècle, quand à l’issue de trente ans de guerre entre la Russie, la Pologne, les Turcs et les Cosaques, l’essentiel du pays était passé sous le contrôle de la Russie des Tsars.
C’est la Révolution russe de 1917 qui libéra l’Ukraine de la mainmise de l’empire tsariste. La propagation d’un mouvement de libération nationale culmina – avec le soutien du gouvernement de Moscou dirigé par les Bolcheviks – dans une éclosion de la culture et de la langue ukrainiennes.
En 1918, un monarque soutenu par l’Allemagne prit le pouvoir en Ukraine, et les armées blanches contre-révolutionnaires – équipées et soutenues par les gouvernements occidentaux, pour faire la guerre aux Rouges de l’Etat ouvrier russe – tentèrent de chasser les paysans des terres qu’ils avaient prises en 1917 aux propriétaires fonciers. La grande majorité du peuple prit position en faveur de la fédération avec la Russie, dans l’Etat ouvrier qui allait bientôt être constitué, l’Union des Républiques socialistes soviétiques.
Mais dans les années 1920, la montée de la bureaucratie stalinienne commença à saper les droits nationaux de l’Ukraine et d’autres anciennes possessions coloniales du Tsar. Dans les années ayant précédé sa mort, et bien que sérieusement handicapé par la maladie, Lénine, le dirigeant de la Révolution russe, tenta de contrer la politique de Staline, en particulier afin de défendre l’auto-détermination de l’Ukraine et de la Géorgie voisine.
Mais la contre-révolution stalinienne fut victorieuse au bout de quelques année. Bien que continuant à utiliser une rhétorique socialiste, les nouveaux dirigeants de l’URSS liquidèrent tous les acquis de la révolution de 1917, y compris le droit à l’auto-détermination des nations opprimées.
L’OUN de Stepan Bandera
Au début des années 1930, la politique de Staline de collectivisation forcée des campagnes et d’industrialisation à marche forcée en cinq ans eut en Ukraine des conséquences catastrophiques. Après une campagne de « russification », qui en 1931 bannit la langue ukrainienne des écoles et des lieux de travail, les politiques économiques du Kremlin conduisirent, en 1932-33, à une famine de masse qui coûta la vie à 3,3 millions de personnes. Par la suite, l’Ukraine souffrit plus que tout autre territoire de l’URSS de la dévastation de la Deuxième Guerre mondiale.
C’est dans ce contexte que surgit l’Organisation des nationalistes ukrainiens (OUN), aujourd’hui révérée par les ultra-nationalistes présents au gouvernement. L’OUN s’engagea dans une lutte violente pour imposer une Ukraine ethniquement homogène. Avec des parties de l’Ukraine sous contrôle russe, à l’est, et d’autres parties sous celui de la Pologne, à l’ouest, elle dirigea ses attaques contre les Russes et Polonais d’origine.
L’OUN visait également, de façon explicite, à l’épuration ethnique des Juifs d’Ukraine. En 1938, cette organisation se scinda en deux, l’aile dirigée par Stepan Bandera s’alliant avec l’Allemagne nazie. A la fin de la guerre, l’OUN sous le commandement de Bandera, avec son bras militaire l’Armée ukrainienne insurgée, procéda à un nettoyage ethnique qui fit disparaître plus de 90 000 Juifs et Polonais.
En Russie, l’élite stalinienne avait tenté de conclure un accord avec Hitler et les Nazis pour se partager l’Europe de l’Est, mais après l’invasion nazie de la Russie, Moscou combattit du côté des Alliés. Après la victoire alliée sur l’Allemagne, les autorités soviétiques menèrent une guerre prolongée contre l’OUN, jusqu’à finir par la détruire en 1953.
Renouveau dans les années 1980
Le nationalisme ukrainien connut un renouveau dans les années 1980, au moment du déclin de l’ex-URSS.
Mais les sentiments nationaux qui se sont alors développés n’étaient pas une simple résurgence de l’OUN et de son idéologie fasciste. Sous la politique de la « glasnost » (ouverture) du dirigeant soviétique Mikhaïl Gorbatchev, il était possible de discuter de la catastrophe de la famine des années 1930 imposée à l’Ukraine, comme des décennies suivantes passées sous la botte stalinienne. Un renouveau culturel en Ukraine suscita de l’espoir en un pays libre, indépendant et démocratique – tant dans l’ouest de langue ukrainienne et principalement agricole que dans l’est avec son économie industrielle plus intégrée à celle de l’ex-URSS.
En 1989, une grève de masse des mineurs ukrainiens, menée principalement par des travailleurs de langue russe dans l’est du pays, refléta et renforça cette aspiration. Comme un envoyé spécial du New York Times3 l’exprima alors, « la mobilisation ouvrière en Ukraine, deuxième plus grande république soviétique, pourrait poser un sérieux problème aux dirigeants conservateurs de ce bastion industriel, qui doivent déjà faire face à la montée du nationalisme ukrainien ».
Des nationalistes russes, qui tentaient de sauver l’empire de l’effondrement de l’URSS, lancèrent alors un appel à toutes les populations de langue russe. Mais comme le releva l’auteur Mark Beissinger4, ils « échouèrent à trouver une basse de masse en Russie. Leurs tentatives de courtiser les mineurs d’Ukraine, de Sibérie et du nord du Kazakhstan ne donnèrent pas plus de résultats ».
A la fin des années 1980, face à un système stalinien dont le déclin était clairement irrémédiable, les apparatchiks ukrainiens les plus lucides commencèrent à critiquer le Parti communiste et à sympathiser ouvertement avec le renouveau culturel nationaliste, quand bien même ils avaient passé leur vie entière au service du Kremlin. Dans le sillage d’un coup d’Etat manqué contre Gorbatchev à Moscou, l’un de ces apparatchiks, Léonid Kravtchouk, alors président du parlement ukrainien, déclara l’indépendance de l’URSS et devint le nouveau chef d’Etat.
En décembre 1991, près de 90 % des Ukrainiens optèrent pour l’indépendance. Le vote en sa faveur fut très élevé aussi dans les régions plus russifiées de l’est. Comme le journaliste Bohdan Nahaylo l’écrivit alors, « une révolution s’est produite dans les esprits des habitants de l’Ukraine. D’une manière ou d’une autre, en un temps remarquablement bref, l’idée de l’indépendance ukrainienne, si longtemps décrite par la presse soviétique comme la cause perdue de nationalistes jusqu’au-boutistes d’Ukraine occidentale, s’est emparée de toute la république. »
Nationalisme, politiciens et oligarques
Après l’indépendance, le nationalisme devint cependant un outil entre les mains de politiciens rivaux représentant divers intérêts économiques. Plus d’un ancien responsable du Parti communiste utilisa ses relations pour profiter des privatisations et se transformer en oligarque richissime. La leader de l’opposition, Ioulia Timochenko, bien qu’emprisonnée sous Ianoukovitch, est devenue l’une des personnes les plus riches du pays grâce à ses affaires avec des oligarques d’Ukraine comme de Russie.
Ces politiciens n’étaient nationalistes que dans la mesure où cela servait leurs intérêts. Kravtchouk, un supposé nationaliste, fut défait dans l’élection présidentielle de 1994 par un de ses anciens collègues apparatchiks, Léonid Koutchma, qui penchait plus vers les liens avec la Russie. Koutchma était tout aussi corrompu et brutal que ses opposants : étiqueté comme pion de Moscou, il se tourna en fait vers le FMI et accrut la coopération militaire avec l’OTAN.
Lors de l’élection présidentielle de 2004, Kravtchouk soutint un autre politicien considéré pro-Moscou – nul autre que Viktor Ianoukovitch. Mais une fraude électorale évidente déclencha des protestations de masse, dans ce qui devint la « Révolution orange ». Ianoukovitch fut contraint d’organiser de nouvelles élections que son opposant, Viktor Iouchtchenko, remporta.
Iouchtchenko s’appuya sur le nationalisme pour tenter de consolider son pouvoir. Les institutions de l’Etat commencèrent à propager une histoire alternative du mouvement nationaliste des années 1930 et suivantes, épurée pour l’essentiel de son idéologie antisémite et fasciste, représentant un mouvement de libération nationale héroïque.
Mais en ne faisant rien pour répondre aux revendications économiques de base qui constituaient le soubassement de la Révolution orange, Iouschenko perdit rapidement sa popularité. En 2010, Ianoukovitch remporta facilement l’élection présidentielle – même si, cette fois, celui qui avait été l’allié de la Russie promit de resserrer les liens économiques et politiques avec l’Europe, et y compris de renforcer la coopération avec l’OTAN.
Aujourd’hui, la quasi totalité du spectre politique à Kiev s’inscrit dans les limites de différents types de nationalisme.
Aussi bien Svoboda [qui dispose de quatre ministres dans l’actuel gouvernement de transition, NdTr] que Trident, l’une des principales composantes du Secteur Droit (Pravyi Sektor), qui s’est fait remarquer pour son rôle dans la défense de l’occupation de Maidan (la place de l’indépendance à Kiev), face aux attaques de la police de Ianoukovitch, se présentent comme les héritiers de l’OUN de Stepan Bandera [...]
La persistance du nationalisme en Ukraine, en particulier dans les régions occidentales, ne peut pas s’expliquer totalement par les liens économiques actuels avec la Russie, mais ceux-ci en donnent largement le contexte. Une bonne part de l’économie ukrainienne reste dépendante de son voisin de l’est.
Comme Slawomir Matuszak l’a montré à travers une étude détaillée5, l’Ukraine se distingue par le fait d’avoir sans doute le plus haut niveau de contrôle oligarchique direct sur le gouvernement. Chez les oligarques qui règnent à l’ouest, l’une des raisons de l’aversion à l’association avec la Russie est la perspective d’une implication directe de Poutine dans la politique du pays.
Poutine a consolidé le pouvoir d’Etat en Russie en dépouillant les oligarques russes de leur pouvoir politique6. A travers son soutien à Ianoukovitch, il tentait de s’assurer le contrôle le plus complet possible sur les pipe-lines gaziers, d’une importance cruciale, qui relient les producteurs russes à leurs consommateurs en Europe. Cela passait, entre autres, par le renforcement d’un Etat sous contrôle de Ianoukovitch et de ses alliés, et représentait à l’évidence une menace pour des secteurs de l’oligarchie.
Le jeu des intérêts économiques
De ce point de vue, la différence entre les oligarques anti-russes concentrés à l’ouest et le secteur qui était pour l’essentiel resté loyal à Ianoukovitch est que ces derniers, pour conserver leur pouvoir, ont besoin du soutien financier et politique de Poutine ; alors que dans la dernière période, le secteur anti-russe a commencé à s’appuyer davantage sur une politique consistant à canaliser le mécontentement populaire dans un sens nationaliste.
Ces divisions ne sont cependant pas inscrites dans le marbre. Les oligarques « de l’est »comme « de l’ouest » se sont montrés tout à fait capables de changer de camp lorsque cela leur était profitable. Un cas d’espèce est la conversion récente de l’homme le plus riche d’Ukraine, Rinat Akhmetov, qui après avoir fermement soutenu Ianoukovitch, est passé du côté du gouvernement de Kiev.
Alors que le marché domestique reste important pour les oligarques les moins puissants, les intérêts des plus riches et influents d’entre eux dépendent largement des exportations, donc de l’accès aux marchés étrangers. En considérant l’ensemble des exportations ukrainiennes, on ne dénote pas de tendance nette vers l’Ouest ou vers l’Est : 38 % des biens sont vendus à des Etats anciennement soviétiques, aujourd’hui regroupés dans la Communauté des Etats indépendants (CEI), tandis que 26 % sont à destination de l’Union européenne et 36 % vont vers d’autres pays.
L’Ukraine demeure toutefois dans un rapport de dépendance vis-à-vis de la Russie sous de nombreux aspects, y compris une dette commerciale de 10 milliards de dollars, dont Moscou exige maintenant le remboursement. Près d’un tiers des exportations ukrainiennes, parmi elles les produits industriels les plus élaborés mais néanmoins non compétitifs sur le marché de l’UE, sont destinées à la Russie.
Dans l’autre sens, 36 % des importations de l’Ukraine, dont 60 % de son gaz naturel, proviennent de Russie. Les prix avantageux consentis à l’Ukraine par la Russie compensaient le niveau bas des redevances versées pour le transit du gaz russe vers les marchés européens. 80 % du gaz russe est acheminé vers l’UE à travers le territoire ukrainien. Dans le même temps, la compagnie pétrolière Rosneft détenue par l’Etat russe – la plus importante au monde – possède déjà la deuxième plus grande raffinerie d’Ukraine et est en passe d’acquérir la première.7
Ces rapports, en particulier la dépendance énergétique de l’Ukraine, bénéficient évidemment aux milieux d’affaires russes, y compris ceux du secteur contrôlé par l’Etat. C’est pourquoi l’Etat russe intervient pour maintenir l’Ukraine en position subordonnée. Il a ainsi interrompu en janvier 2006 (puis de nouveau en 2009) ses approvisionnements en gaz, en représailles à des démarches du gouvernement ukrainien dans le sens d’une extension des relations avec l’UE. De la même façon, la Russie se prépare aujourd’hui à annuler le gros rabais dont l’Ukraine bénéficie pour ses importations de gaz naturel.
Une telle mesure, pendant économique à la prise de contrôle militaire de la Crimée, ne pourra qu’enrager les gens du peuple en Ukraine. Elle a été utilisée pour alimenter les appels nationalistes des partis politiques conservateurs, soutenus par des secteurs de l’élite dirigeante.
La tactique du gouvernement
Les oligarques eux-mêmes, bien que tirant tous profit, à l’est comme à l’ouest, de leurs liens avec le monde des affaires russe, s’irritent des interventions périodiques de l’Etat russe destinées à bloquer tout mouvement vers l’Europe. Le nouveau gouvernement de Kiev vient d’ailleurs de nommer deux des principaux oligarques de l’est aux gouvernorats de Donetsk et de Dniepropetrovsk8. Au même moment, un autre oligarque, Dmytro Firtash, était enrôlé pour intervenir auprès des milieux d’affaires russes afin qu’ils exercent leur influence en faveur de la paix, au nom du fait que toute escalade du conflit serait mauvaise pour les affaires de tous9.
La nomination de deux milliardaires à la direction politique d’importantes régions de l’est de l’Ukraine illustre la tentative du gouvernement d’utiliser la menace de l’intervention russe afin de renforcer sa base politique autour d’un concept d’unité nationale – centré sur la défense particulière des intérêts de la classe dirigeante.
Cela correspond à la politique qu’il mène plus généralement : utiliser le conflit avec la Russie pour détourner le mécontentement populaire, tout en appliquant des mesures néolibérales déjà familières aux gens du peuple à l’époque de Ianoukovitch, sans parler des peuples de Grèce, d’Espagne et d’autres pays européens [...]
Que peut-il se passer ?
Le gouvernement a engagé avec le FMI des négociations en vue d’obtenir des prêts, qui incluraient des conditions très strictes : nouvelles coupes dans les retraites, augmentation des taxes sur l’énergie payées par les travailleurs, privatisation d’industries et entreprises d’Etat, suppression de plusieurs départements ministériels, réduction des allocations de chômage et de maladie...
De telles mesures porteront préjudice à la popularité – déjà bien entamée – du gouvernement. Les figures politiques qui prétendaient « diriger » le mouvement de Maidan ont admis, avant la chute de Ianoukovitch, qu’elles ne contrôlaient pas le mouvement de masse. En négociant une austérité encore plus sévère, elles ne deviendront que plus suspectes aux yeux des travailleurs [...]
A l’est du pays, où Ianoukovitch conserve une base, la population est pour l’essentiel restée passive10, même si de petites manifestations pro-russes et pro-Maidan ont attiré l’attention des médias. Dans l’ensemble, il y a peu de soutien à une sécession pour rejoindre la Russie, même dans les grandes villes. Mais il n’y en a pas beaucoup non plus pour le nouveau gouvernement de Kiev, avec son programme nationaliste cru [...]
Les menaces de guerre de la Russie ont conforté les nationalistes et les fascistes déclarés qui dominent le nouvel ordre installé à Kiev, même s’ils n’ont pas dirigé le mouvement de masse qui les a amenés au pouvoir. Dans le même temps, à l’est et au sud, le discours et les politiques de droite du gouvernement central encouragent les gens du peuple à considérer les forces russes comme une protection face à un régime qui les priverait de leur langue et de leurs droits politiques.
Casser cet enchaînement exigera un soulèvement d’en bas, fondé sur une alternative politique capable d’unifier les travailleurs par-delà les divisions qui menacent l’unité de l’Ukraine ; et notamment de mobiliser les nombreux habitants de langue russe, jeunes pour la plupart, qui se considèrent ukrainiens et rejettent l’assimilation à la Russie11, dans l’unité avec les habitants de l’ouest, politiquement plus actifs, qui en ont assez des oligarques dominant le système [...]
Sean Larson et Lee Sustar
1 Est reproduite ici la majeure partie d’un article publié le 11 mars 2014 sur le site socialistworker.org, de l’International Socialist Organization (ISO, Etats-Unis). Le texte a été traduit et édité par Jean-Philippe Divès. A noter que cet article a été écrit avant le regain des tensions et le début des affrontements armés dans l’est de l’Ukraine.
2 Son interview est publiée en seconde partie de ces Repères.