C’est le retour de boomerang : l’orientation ultra droitière de la campagne de Sarkozy et sa chasse éperdue aux électeurs du FN mettent maintenant l’UMP sous très forte pression. La direction du FN ne fait pas mystère de ses intentions. Après son succès de la présidentielle, elle entend utiliser les élections législatives pour enfoncer des coins dans le parti ex-présidentiel, en commençant à débaucher certains de ses élus. Ceci dans le cadre de sa stratégie visant à former un grand parti de droite extrême, populiste, nationaliste et xénophobe, à l’instar de ceux qui prospèrent dans plusieurs pays européens et parviennent, ça et là, à accéder au gouvernement en coalition avec la droite traditionnelle. Des députés menacésSelon Marine Le Pen, « la majorité des électeurs UMP n’est pas d’accord avec la majorité de ses dirigeants. Il y a une dichotomie entre la tête et les jambes qui ne peut plus durer. Beaucoup de députés de base de l’UMP sont plus proches de nos idées que de celles de Nathalie Kosciusko-Morizet. » Or, de très nombreux députés de droite se trouvent menacés par la perspective de triangulaires avec le PS ou ses alliés et le FN. Ce dernier serait en situation de se maintenir dans plus de 300 circonscriptions s’il égalait aux législatives son score de la présidentielle. Certes, une telle hypothèse est souvent jugée improbable, en tout cas dans de telles proportions, mais elle donne la mesure du vent de panique qui souffle actuellement parmi les députés UMP. La chef du FN enfonce donc le clou : ses candidats se maintiendront partout où ils le pourront, mais elle n’exclut toutefois pas la possibilité de « discuter » avec certains candidats de droite « s’ils rompent avec l’UMP » ; « mon objectif est de peser avec des élus, et je suis quelqu’un d’ouvert. Mais je veux un rassemblement par la base » (Valeurs actuelles, 10 mai 2012). Un parti fragiliséDésormais sans tête après l’échec puis le retrait (provisoire ?) de son chef, l’UMP fait le gros dos. Ses caciques ont mis provisoirement de côté leurs rivalités et ambitions particulières pour tenter de sauver les meubles. La règle qu’ils ont édictée est de ne permettre aucun accord avec le FN et de renvoyer dos à dos ce dernier et la gauche. Parallèlement, pour empêcher l’éclatement, les courants de l’UMP seraient désormais autorisés à se structurer en « mouvements ».
Mais les forces centrifuges restent à l’œuvre. C’est notamment le cas avec la Droite populaire, aile la plus réactionnaire de l’UMP et possible passerelle avec le FN. Ses membres discutent actuellement de l’éventualité de former leur propre groupe parlementaire, sans même exclure l’idée de se constituer en parti. L’un des députés de cette mouvance, Jean-Pierre Garraud, s’est prononcé récemment en faveur d’un rapprochement avec le FN.
Ni front républicain ni front populairePar leurs discours et leurs actes, Sarkozy et sa bande sont les premiers responsables de la banalisation des idées et du parti lepéniste. Un phénomène mis en évidence par l’enquête Ipsos réalisée le 6 mai pour le Monde, selon laquelle 70 % des électeurs de l’UMP et 68 % de ceux du FN seraient favorables à des désistements réciproques au second tour des législatives.
Le danger et la menace sont évidents. Mais on ne les combattra ni par le « front républicain » (défendu notamment au PS) ni par une politique de « front populaire » comme celle que mènent Jean-Luc Mélenchon et le PCF, quand ils développent vis-à-vis de Hollande et du PS une politique non pas d’opposition, mais de pression et négociation. Combattre le FN et ses idées est une tâche spécifique mais pour être réellement efficace, elle doit aller de pair avec la construction d’une alternative indépendante, dont un jalon aujourd’hui indispensable est de former une opposition de gauche résolue au gouvernement de Hollande.
Jean-Philippe Divès