Le NPA a rencontré Lutte ouvrière le jeudi 3 avril dans nos locaux de Montreuil. Les échanges se sont focalisés sur deux points centraux : le 12 avril et les élections européennes. Si nous partageons la même analyse politique de la situation au lendemain des municipales et de la nomination de Valls, nos organisations divergent sur la riposte que le mouvement ouvrier est en capacité de construire dans la rue et dans les urnes.
Nous connaissons aujourd’hui le succès du 12 avril qui a mis plusieurs dizaines de milliers de personnes dans la rue moins de deux semaines après la nomination de Valls comme Premier ministre. Certes, les dirigeants du PCF et du PG, dans une optique réformiste, ont en ligne de mire les élections européennes. Néanmoins des milliers de manifestantEs étaient là pour exprimer leur opposition au gouvernement et le rejet profond de la politique du PS. Or, lors de notre rencontre, LO nous a réaffirmé son refus de participer à cette mobilisation.Pour LO, notre participation à cette initiative, dont nous sommes largement à l’origine, s’inscrit dans un suivisme des partis réformistes qui veulent susciter l’illusion d’un « nouvel espoir à gauche ». Pour cette organisation, seule la lutte de classes peut renverser le gouvernement. Si nous partageons cette conception, nous essayons de la traduire sur le terrain en cherchant les moyens de redonner de la combativité au mouvement ouvrier, en essayant de lui donner des perspectives. Pour nous, celles-ci passent par un large front unique pour construire une opposition de gauche au gouvernement. Le 12 avril ne constitue donc pas pour nous une fin en soi mais un premier jalon d’importance pour construire un mouvement d’ampleur.
L’unité avec soi même...De fait, Lutte ouvrière refuse toute politique de front unique. Leur délégation a décliné notre proposition de constituer un « pôle anticapitaliste » dans la manifestation du 12 avril car elle ne se retrouve pas dans des mots d’ordre comme l’antiproductivisme et l’écosocialisme. Étrange conception du front unique lorsqu’il ne doit regrouper que les communistes révolutionnaires… Nous avons pointé une certaine contradiction entre leur présence à la manif du 1er décembre organisée par le Front de gauche contre la hausse de la TVA (avec signature du texte commun et participation au carré de tête) et leur refus de participer à celle du 12 dont l’organisation regroupe un arc de forces bien plus large. Il nous a été rétorqué que le texte d’appel n’avait aucun contenu de classe et ne défendait en rien les travailleurs. Pourtant, rien n’aurait empêché LO d’appeler sur ses propres bases et de mettre en avant le refus du pacte de responsabilité qui figurait pourtant bel et bien dans le texte d’appel...Concernant les élections européennes, une fin de non-recevoir nous a aussi été donnée. Lutte ouvrière, que nous avions rencontré en novembre 2013, nous avait indiqué que leur décision sur les Européennes serait prise à leur congrès de décembre. Le couperet est depuis tombé : LO se présentera seule à ces élections. Les évolutions de la situation politique depuis janvier, l’offensive du patronat avec le Pacte de responsabilité, la présence de l’extrême droite dans la rue, le succès du Front national aux municipales, l’abstention massive, la claque prise par le PS et la nomination de Valls à Matignon, n’y changeront rien. À travers cet échange politique, nous n’avons pu que constater, à regrets, que cette organisation, avec qui nous partageons pourtant beaucoup, préfère brandir seul l’étendard du drapeau rouge et maintenir une tradition communiste révolutionnaire, en attendant des jours meilleurs pour le mouvement ouvrier. Une conception attentiste que nous ne partageons pas car l’aggravation de la crise du capitalisme et la dégradation des rapports de forces exige des militants révolutionnaires de tout faire pour transformer la situation.
Camille Jouve