Les résultats électoraux des européennes illustrent, bien que de manière déformée, la grave crise sociale et politique qui fait suite à des décennies de mesures libérales austéritaires. C’est avant tout l’extrême droite qui récolte les voix des plus désenchantéEs qui croient de façon illusoire pouvoir éviter le déclassement en écrasant celles et ceux d’en bas, en embrassant l’idéologie dangereuse de la « préférence nationale » et du racisme.
L’Italie est devenue un cas d’école en la matière : sous l’effet de l’abstention, la droite de Meloni reste hégémonique ; elle se montre « respectable », institutionnelle, atlantiste, philolibérale et européiste. Elle rassure de plus en plus la bourgeoisie et le monde de la finance, prêts à de nouvelles alliances avec les postfascistes pour répondre à la crise du capital et augmenter l’exploitation.
Abstention record, inaction climatique et climat de guerre
L’Italie sort en outre des urnes avec une abstention record : 6 points de participation en moins par rapport à 2019 avec des pics dans le Sud et dans les îles où seulement 37 % des électeurEs se sont rendus aux urnes. Comme les autres pays européens, l’Italie est totalement démunie pour répondre aux conflits et aux multiples crises qui traversent le continent. Les gouvernants italiens sont dans le déni du désastre écologique, tournent les dos aux nouvelles générations et s’enfoncent dans un climat de guerre et de refoulement des valeurs humanistes les plus essentielles.
Le vote conforte l’extrême droite de Meloni
L’autre élément essentiel est la cristallisation du vote autour de deux pôles : celui de Meloni qui reste stable (28,8 %) et celui du Parti démocrate d’Elly Schlein qui, avec 24 % des suffrages, se présente comme l’opposition la plus structurée et arrive à polariser le vote de la gauche molle anti-Meloni. Le PD est le premier parti dans les grandes villes comme Turin et Milan et sort renforcé par rapport au vote des dernières élections politiques. Avec un faible 10 %, le Mouvement Cinq Étoiles, désormais normalisé, s’écroule. Ses ambiguïtés et faiblesses politiques ne lui permettent plus en effet d’incarner le vote contestataire du système des partis italiens. La Ligue de Matteo Salvini reste au-dessous de 10 % tandis que la droite berlusconienne de Forza Italia, avec 9,6 %, se refait une petite santé.
Construire une opposition sociale forte
Un résultat assez positif (6,8 %) est également remporté par l’alliance Verts et Gauche (Alleanza Verdi e Sinistra) grâce notamment à deux candidatures symboliques : celle portant la lutte antifasciste d’Ilaria Salis, l’enseignante emprisonnée en Hongrie pour avoir participé à une manifestation contre l’extrême droite, et celle de Mimmo Lucano, connu pour son engagement favorable à l’accueil des personnes exilées, qui est reconfirmé également en tant que maire de la ville de Riace. Les têtes pensantes de la liste, le duo Bonelli-Fratoainni, ont déjà montré une ouverture à une collaboration avec le PD.
La première tâche est certainement de créer les conditions pour construire une opposition sociale forte contre le gouvernement de droite en favorisant simultanément l’agrégation de forces anticapitalistes, issues des mouvements sociaux et de la jeunesse, en rupture avec le système économique actuel. Dans cette perspective, se limiter à construire une nouvelle alliance avec les sociaux-démocrates n’est ni suffisant ni souhaitable.
Hélène Marra