Comme dans d’autres pays de l’Union européenne, l’extrême droite a progressé en Allemagne. L’AfD (Alternative für Deutschland) a obtenu 15,9 % des voix alors que la coalition au gouvernement n’a obtenu que 31 % (SPD 13,9 %, Verts 11,9 %, FDP 5,2 %). Les chrétiens-démocrates ont obtenu 30 %, le BSW (la scission de droite du parti Die Linke) 6,2 % et la Linke seulement 2,7 %.
Pourquoi les partis au gouvernement ont-ils perdu autant de voix et pourquoi l’AfD a-t-elle pu améliorer sa part de voix alors qu’elle a été récemment impliquée dans différents scandales ? La montée des partis de droite est l’expression d’une crise sociale profonde et de l’absence d’une force de gauche crédible, capable de mener des luttes et d’obtenir des victoires au moins partielles. En Allemagne, nous assistons depuis des années à un décalage flagrant entre la politique officielle et les grands médias qui la défendent, d’une part, et la situation de vie de larges couches de la population, d’autre part.
Politique d’austérité
Depuis plus de dix ans, des mesures sont prises pour protéger le climat. Bien qu’elles ne soient pas très efficaces, elles doivent avant tout être financées par la population. La coalition gouvernementale actuelle avait décidé de compenser ailleurs l’augmentation des taxes sur les énergies fossiles pour la population. Pour ce faire, le troisième « paquet d’allègement » a été annoncé en 2022, afin de soulager les citoyenEs de 65 milliards d’euros au total, mais rien de tout cela ne se produit. Cela ne discrédite évidemment pas seulement une politique écologique, mais fournit aussi des munitions précisément aux partis qui nient le changement climatique, l’AfD en tête.
À cela s’ajoute le fait que le démantèlement social est pratiqué à de nombreux endroits, que l’infrastructure se dégrade de plus en plus, que les soins aux patientEs se détériorent, que les écoles sont en ruine, que la prise en charge des enfants est limitée en raison du manque d’éducateurs/éducatrices, que les chemins de fer sont dans un tel état que seuls 60 % des trains sont encore à l’heure. Il y a donc désormais un énorme retard d’investissement auquel le gouvernement remédie par une politique d’austérité renforcée au détriment des gens.
Augmentation du budget de la guerre
Il n’y a qu’un seul endroit où l’on ne fait pas de coupes : immédiatement après le début de la guerre en Ukraine, le chancelier Scholz a annoncé le « changement d’époque » et a ainsi justifié des dépenses supplémentaires pour l’armée entre 2022 et 2027, pour un total de 100 milliards d’euros. Aux 51,95 milliards d’euros initialement prévus pour le budget militaire en 2024 s’ajoutent désormais 19,8 milliards d’euros. À ces dépenses colossales s’ajoutent les aides importantes accordées à l’Ukraine, qui consistent en grande partie en des livraisons d’armes, estimées cette année à 7,1 milliards d’euros.
L’AfD est le parti le plus fort en Allemagne
Si l’on additionne ces facteurs — l’augmentation des dépenses militaires et les coupes simultanées dans le domaine social ainsi que le manque d’infrastructures — il est clair que l’AfD a beau jeu de se positionner contre la politique du gouvernement fédéral. L’AfD s’oppose à la politique climatique (parce qu’elle pèse sur la population) et elle est contre l’aide militaire à l’Ukraine et plaide pour des négociations. L’AfD apparaît ainsi comme la seule véritable opposition au système et associe avec succès cela à sa politique raciste de fermeture aux réfugiéEs. Il faut donc s’attendre à un nouveau renforcement de l’AfD. Aujourd’hui déjà, elle est le parti le plus fort en Allemagne de l’Est (devant la CDU). Les élections de l’automne dans trois Länder d’Allemagne de l’Est confirmeront certainement cette tendance.
Jakob Schäfer