Publié le Samedi 23 juillet 2022 à 15h40.

Macron Bis et sa République autoritaire

Emmanuel Macron ne craint guère les débats parlementaires : il est résolu à réaliser son programme antisocial avec l’appui de la droite ou, pire, de l’extrême droite.

Les grands discours d’Élisabeth Borne évoquant « l’ère des forces qui bâtissent ensemble » resteront lettre morte. Après avoir fait barrage à la NUPES au prix d’une percée historique de l’extrême droite et avoir encouragé les amalgames entre ce qu’il appelle les « deux extrêmes », le Président mal élu avance déterminé, tout en faisant du pied à sa droite.

Le premier dossier est celui sur le pouvoir d’achat. Thématique force du RN en période électorale, il constitue une excellente occasion pour faire semblant de faire du social sans faire bouger d’un millimètre les relations capital-travail. Mettre l’accent sur le pouvoir d’achat aux frais de l’État et de la Sécurité sociale tout en continuant à démanteler les services publics, c’est faire du marché le cadre indépassable où se prennent les décisions de consommation et de production dans un contexte où celles-ci deviennent de plus en plus problématiques pour la survie de la planète. Il est fort probable que Les Républicains se rangeront derrière le président pour lui fournir une majorité. Sinon, Macron pourra toujours jouer la carte du RN.

La focalisation autour du pouvoir d’achat permet d’esquiver les vrais conflits, ceux autour des salaires, des conditions de travail déplorables ainsi que des retraites. Le paquet de mesures autour du pouvoir d’achat permet un déploiement de la doctrine de la prime chère à Macron. Les députés LFI estiment que ce genre de primes « façonnent le déficit artificiel des comptes de la Sécurité sociale » puisque la rémunération est nette et « ferme tout droit social » et annoncent une opposition ferme à cette réforme.

Les tensions à venir

La vie à l’Assemblée ne va pas être facile pour le camp macroniste : mardi 12 juillet, LR, le RN, LFI, EELV et le PCF –  les socialistes se sont abstenus – ont sonné le glas du pass sanitaire aux frontières. Cette opposition large a dû inquiéter la majorité relative qui comptait sur le soutien de LR.

L’entrée en scène de certainEs éluEs qui ont participé à des luttes, comme Rachel Kéké, pourrait contribuer à une dynamique à l’extérieur des institutions pouvant aggraver ou accélérer la crise politique et aider les mobilisations. Nous n’avons aucune confiance dans les habits neufs de la radicalité revêtus par certains Verts ou la gauche molle d’Olivier Faure, mais l’espoir dans la perspective d’une (re)construction d’une gauche de combat pouvant déborder et dépasser le réformisme de la Nupes est d’actualité.

Il faudra agir, se défendre face aux attaques de la Macronie et de ses alliés potentiels. Les luttes ont d’ailleurs déjà démarré et concernent plusieurs secteurs (transports, énergies, hôpital…). Mais tout reste encore à faire.

Les prochaines attaques

Le programme du président de la République reste inchangé. Le 14 juillet, il a annoncé une réforme du droit du travail, il a rappelé son intention de réformer l’assurance-chômage, de conditionner le revenu de solidarité active (RSA) à une activité contrainte ; il a en outre évoqué l’emploi des seniors et le renforcement de l’apprentissage et des lycées professionnels. Macron reprend aussi son cheval de bataille, la réforme des retraites.

La République autoritaire de Macron exhibe et renforce les armements auxquels le gouvernement consacre un budget croissant. Il va persévérer dans l’inaction climatique et dans le démantèlement progressif des services publics.

Pour cela, il n’aura d’autres choix que de s’appuyer sur les forces de la droite conservatrice et de l’extrême droite. Mais jusqu’où se déplacer pour garder le système économique en place ? Quelle forme peut prendre aujourd’hui la menace fasciste ? La conjoncture est inquiétante car la crise chronique du capitalisme pourrait rendre le terrain propice à l’instauration d’un État autoritaire. La bourgeoisie peut constituer un bloc et dépasser ses divergences pour garder sa domination sur le camp des exploitéEs. Cela ne peut se produire que dans un contexte où les organisations de la classe ouvrière sont relativement faibles, embourbées dans le « dialogue social » pourtant délégitimé. La composante néofasciste permettrait alors également de s’attaquer directement aux secteurs du mouvement ouvrier.

L’autre point d’interrogation concerne la stratégie du RN. Si sa matrice néofasciste n’est pas en discussion, celui-ci pourrait vouloir s’engager dans un processus d’institutionnalisation comme ce fut déjà le cas du Mouvement social italien et de son modèle, bien que peu crédible, d’intégration dans la Deuxième République en tant que droite nationale anti-communiste. Si de nombreuses questions restent pour l’instant sans réponses, elles nous permettent de mieux apprécier la complexité de la situation actuelle ainsi que l’urgence de s’organiser, de s’unir et d’amplifier les luttes partout où elles pourront être menées.