Le dictateur roumain Ceausescu aimait, dans les années 1970, à être qualifié de « génie des Carpates » et de « Danube de la pensée ». Sans vouloir pousser trop loin l’analogie, il y a là quelque chose qui fait penser aux courtisans autour de Macron jamais en panne d’idées pour vanter l’intelligence présidentielle.
On avait déjà eu droit à Macron « philosophe » sous prétexte de ses relations passées avec le philosophe Paul Ricœur et de sa capacité à glisser des citations dans ses discours. Certains se sont lancés dans l’exégèse d’une pensée supposée profonde qui serait à l’arrière-plan de ses décisions politiques. En 2017, le site de France Culture présentant le livre d’un de ses anciens collaborateurs précisément intitulé « Macron, un président philosophe » parle d’un « homme qui, avant de partir à la conquête du pouvoir, s'est doté de fondations d'une rare solidité, d'une "boîte à outils conceptuelle" bien plus performante que celle de ses rivaux. »
Ce verbiage masque mal la vérité : les idées présidentielles correspondent à la pensée moyenne enseignée à l’ENA et à la doctrine néolibérale. Macron ne se distingue de ses rivaux et prédécesseurs que par sa capacité à défendre avec aplomb des « vérités » successives et son mépris affiché des « derniers de cordée ». Le fond de sa pensée économique pourrait se résumer à : « Les pauvres ne cherchent pas de travail car ils sont trop aidés, les riches sont découragés car ils paient trop d’impôts ». Et ce programme est mis en œuvre avec ténacité, de la réforme des allocations chômage et de l’allocation logement à la baisse des impôts des riches et des sociétés.
Maintenant est venu le temps du « président épidémiologiste ». « Le président a acquis une vraie expertise sur les sujets sanitaires, explique ainsi le ministre de l’Éducation, Jean-Michel Blanquer. Ce n’est pas un sujet inaccessible pour une intelligence comme la sienne et au regard du temps important qu’il y consacre depuis plusieurs mois. » Et un autre courtisan (le président de l’Assemblée) ne craint pas d’assurer : « Un jour, il pourra briguer l’agrégation d’immunologie ». Ce genre d’affirmations suscite l’ironie des vrais épidémiologistes mais rien ne brise l’arrogance de Macron malgré la tournure dramatique de l’épidémie.
Tout cela nous ramène à une vérité nécessaire énoncée il y a 150 ans dans l’appel du Comité central de la Garde nationale avant les élections à la Commune de Paris : « Ne perdez pas de vue que les hommes qui vous serviront le mieux sont ceux que vous choisirez parmi vous, vivant votre propre vie, souffrant des mêmes maux. Défiez-vous autant des ambitieux que des parvenus ; les uns comme les autres ne considèrent que leurs propres intérêts et finissent toujours par se considérer comme indispensables ».