Le gouvernement nommé le 16 mai est transitoire, et savamment composé pour faire élire un maximum de députéEs PS. On peut néanmoins deviner la politique qui sera mise en œuvre à la vue des personnalités nommées. Le vrai gouvernement ne sera mis en place qu’après les législatives, en fonction des résultats et des alliances nécessaires.
Pour la première fois, il est totalement paritaire, dix-sept femmes, dix-sept hommes. Enfin ! Mais, témoignage du machisme toujours bien réel, à l’écoute des commentaires, la parité ne saute pas aux oreilles, ce sont surtout les hommes qui sont connus et dont les journalistes parlent. La parité formelle est en avance sur la parité réelle. Mais c’est un point positif comme le retour d’un ministère des Droits des femmes, occupé par Najat Vallaud-Belkacem, en outre porte-parole du gouvernement.
Cette équipe s’affiche comme l’anti-Sarkozy. Plus de ministère de l’Immigration et encore moins de l’Identité nationale ! À l’opposé, plusieurs ministres revendiquent un engagement antiraciste comme Delphine Batho ou Georges-Pau Langevin qui ont été vice-présidente de SOS-Racisme pour la première et présidente du Mrap pour la seconde ou encore la réalisatrice Yamina Benguigui, voire indépendantiste comme la ministre de la Justice Christiane Taubira. La rupture avec la droite s’affirme aussi avec la ministre déléguée à la Famille Dominique Bertinotti qui sera chargée de l’une des premières et rares promesses fermes de Hollande, l’ouverture du mariage et de l’adoption aux couples homosexuels.
Toujours côté revendication de la rupture, il faut citer Fleur Pellerin qui avait pris position contre Hadopi.Mais avec Manuel Valls au ministère de l’Intérieur, c’est du lourd, du bien droitier et du bien sécuritaire ! Avec des accents proches de ceux de la droite, il dénonce les juges laxistes, demande plus de places de prison et des sanctions immédiates contre les mineurs délinquants... Il met en pratique à Évry – dont il est député et maire – l’augmentation des effectifs de police municipale et la généralisation de la vidéosurveillance qu’il défend dans les débats.
Laurent Fabius aux Affaires étrangères et Bernard Cazeneuve ministre délégué aux Affaires européennes, deux partisans du « non » au référendum de 2005 sur le traité constitutionnel et opposants au Traité de Lisbonne, correspondent à la fermeté que veut montrer Hollande dans sa volonté de renégocier le pacte budgétaire européen. Bernard Cazeneuve est par ailleurs un farouche et efficace pronucléaire. Sur la question énergétique, il y en a pour tous les goûts. Le ministère de l’Écologie et du Développement durable revient à Nicole Bricq, une opposante aux gaz de schiste et au tout-pétrole. Europe Écologie-les Verts reçoit deux postes, Cécile Duflot comme ministre de l’Égalité des territoires est chargée du Logement, et Pascal Canfin au Développement est l’un des co-fondateurs de l’ONG Finance Watch. Mais Geneviève Fioraso, ministre de l’Enseignement supérieur, a une solide pratique du lien entre l’université et le monde industriel et tout particulièrement dans des domaines aussi contestés et contestables que l’énergie atomique ou les nanotechnologies.
Pierre Moscovici occupera le ministère de l’Économie et des Finances, avec Jérôme Cahuzac ministre délégué au Budget, ils forment un duo libéral de choc : du Strauss-Kahn – dont Moscovici a été le plus proche collaborateur – sans Strauss-Kahn ! Ce message radical est immédiatement tempéré avec Benoît Hamon à l’Économie sociale et solidaire, et surtout avec le très pittoresque « ministère du Redressement productif » taillé sur mesure pour Arnaud Montebourg, plus en phase avec le débat sur la croissance. Aux Affaires sociales et la Santé, la nomination de Marisol Touraine est sans surprise ni équivoque. Elle défend la maîtrise des dépenses de la protection sociale, envisage le basculement des cotisations sociales vers la CSG, donc du salaire vers l’impôt, elle critique la loi HPST (hôpital santé patients territoires) mais pas la tarification à l’activité, elle refuse à la fois le remboursement des soins et médicaments à 100 % et la retraite pleine et entière à 60 ans avec 37,5 annuités.
La première réunion du conseil des ministres met la dernière touche au tableau avec la baisse de 30 % de la rémunération des ministres, l’interdiction du cumul des mandats, l’affirmation de l’intégrité et de l’impartialité... Dans la lignée de l’élection de François Hollande, ce gouvernement veut incarner la rupture avec le sarkozysme. Mais pour qu’il en défasse les contre-réformes, il faudra une solide opposition à sa gauche !
Christine Poupin