Publié le Mercredi 22 octobre 2025 à 11h00.

Retraites, budget, démocratie : face à l’enfumage, reprendre la rue !

Ce que le PS présente comme sa grande victoire — une suspension —, personne n’en parle mieux que Macron lorsqu’il déclare : « Le Premier ministre a fait un choix, pour apaiser le débat actuel, qui a consisté à proposer le décalage d’une échéance — ce n’est ni l’abrogation ni la suspension, c’est le décalage d’une échéance. »

Cette sortie est, pour un président et un gouvernement plus isolés que jamais (malgré le soutien du PS, le gouvernement n’échappe à la censure que d’une dizaine de voix), une tentative de reprendre la main. 

Macron essaie de reprendre la main

Macron vise autant à décourager la mobilisation qu’à rassurer la bourgeoisie et son propre camp politique ; on voit mal comment Macron pourrait lâcher le totem de son second quinquennat. L’inscription de la suspension de la réforme dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) ne change rien au tour de passe-passe. Par contre pas de suspension des « accords » de Bougival qui écrasent les droits du peuple kanak ni des mesures phares du budget Bayrou. Et aggravation des attaques sur nos droits sociaux dans le PLFSS. Les raisons de se mobiliser restent entières et il est urgent de reprendre le chemin des luttes, de la rue, de la grève pour gagner. Et la période, très instable, est pleine de possibles qui doivent nous regonfler.

La mobilisation compte

D’abord l’affaire de la « suspension/décalage » montre que la lutte paie ! Des millions de manifestantEs en 2023, des grèves, trois journées de mobilisation en cette rentrée, des blocages. Tout ça pour… ça ? Oui, avec, en prime, une crise politique et une usure d’un pouvoir qui peine à gouverner. C’est peu mais ce n’est pas rien, tant matériellement que symboliquement : même ce pouvoir ne peut ignorer la rue. Mais oui, avec la crise économique, la bourgeoisie est aux abois et ne lâchera rien de fondamental. À nous d’élever encore le rapport de forces.

La crise politique est toujours là

Ensuite, le déplacement sur le terrain institutionnel ne signe pas l’arrêt de la mobilisation. Comme en 2023, nous vivons une séquence où des moments de lutte — avec manifs, grèves et blocages — alternent avec des moments plus institutionnels. Mais la crise est toujours là et, comme en 2023 au moment de l’usage du 49-3 et du vote de confiance remporté à 9 voix près, cette phase institutionnelle pourrait bien permettre des démonstrations. 

Vers le « super 49-3 » des ordonnances

Car l’abandon annoncé du recours au 49-3 va nous faire découvrir d’autres joyeusetés que la 5e République offre au pouvoir pour faire barrage à nos aspirations émancipatrices et démocratiques. En effet, en l’absence de compromis et de vote sur les textes du PLFSS et du budget à l’issue du délai constitutionnel requis (cinquante jours pour le PLFSS et soixante-dix jours pour le budget de l’État), la Constitution permet au chef de l’État de mettre en œuvre ces textes par simple signature en conseil des ministres (ordonnances)... Une manière de faire revenir par la fenêtre un « super 49-3 », puisqu’il s’agit d’un 49-3 sans même un vote de confiance au Parlement. Un nouvel aspect de l’autoritarisme que permet la 5e République serait ainsi mis au jour. Il ne fait donc pas de doute que les aspirations démocratiques nourriront les futures mobilisations.

La clé est dans l’auto-organisation

Alors, repartir ça veut dire continuer à reconstruire nos forces et des habitudes militantes. Et s’il peut y avoir des accélérations dans la crise politique et les mobilisations, il n’y a pas de raccourci vers la victoire. Nous avons besoin de davantage d’auto-organisation, d’AG, qui permettent à la fois des discussions sur la stratégie pour gagner et la mise en œuvre de la grève et d’actions communes à l’échelle des boîtes, des bahuts, des quartiers, des villages, etc. Dans cet objectif, la contribution du mouvement Bloquons tout ! est notable : il a permis la création de nouveaux liens militants tissant de la confiance à travers des AG, des groupes d’action et des comités de quartier qui se réunissent, agissent et discutent.

Mais nous avons aussi besoin d’un horizon politique porteur d’espoir. Car nos revendications, à commencer par l’abrogation totale de la réforme des retraites, sont majoritaires. Quelle gauche pour porter ce projet et faire barrage à l’extrême droite ? Une gauche de rupture, comme le dessinait le programme du Nouveau Front populaire, et pas une gauche d’accompagnement, que dessine le PS dans son accord avec Lecornu et Macron. Une gauche résolument unie contre l’extrême droite. Et une gauche qui s’ancre dans les luttes. Car une gauche de rupture ne tirera sa force que de la mobilisation : elle rencontrera sur sa route l’intransigeance du capital et le présidentialisme de la 5e. C’est bien à ce régime que nos mobilisations vont devoir s’attaquer. Nous voulons une autre société — et c’est d’une autre Constitution que celle qui est au service de Macron et de son monde, dont nous avons ­impérativement besoin.

William Daunora