Publié le Jeudi 5 juin 2025 à 15h00.

Qui veut noyer la Sécu, l’accuse de déficit…

Modèle social « à bout de souffle », situation « hors de contrôle » : entre les agences de notation, le Medef, la Cour des comptes, Macron et Bayrou, c’est la course à la dramatisation du « déficit » des finances publiques et de la Sécurité sociale. Le spectre d’un scénario « à la grecque » est agité.

Lobjectif est de provoquer un effet de sidération permettant d’anesthésier toute réaction. Pouvoir et patronat entendent ainsi créer la résignation nécessaire à l’acceptation pour 2026 d’un nouveau plan d’austérité de 40 milliards d’euros et d’une nouvelle étape dans la destruction de la Sécurité sociale. Il est grand temps pour le mouvement social et ouvrier d’organiser la riposte.

Une « crise de liquidité », vraiment ?

Concernant la Sécu, la Cour des comptes n’hésite pas à évoquer le risque « de plus en plus sérieux de crise de liquidité à partir de 2027 ». En clair, une incapacité à faire face au financement du système de santé, des retraites et des prestations familiales, de la perte d’autonomie.

Les chiffres avancés dans le rapport de la Cour des comptes ne confirment pourtant pas la catastrophe annoncée. Pour 2024 le « déficit » de la Sécurité, supérieur de 4,8 milliards aux prévisions s’élève à 15,3 milliards, soit… 2,4 % sur les 640 milliards de crédits votés. Pour les années à venir, il s’élèverait à 25 milliards, soit moins de 4 %. Rien qui annonce une situation « incontrôlable » !

Ces chiffres doivent surtout être comparés avec le manque de recettes, organisé par ceux-là mêmes qui dénoncent un « gouffre » insoutenable. Les exonérations de cotisations sociales, accordées aux entreprises, s’élèvent à 83 milliards d’euros (plus de 3 fois le « trou » annoncé !). Elles ont pour seul but de diminuer le « coût du travail », c’est-à-dire la part des salaires afin d’augmenter celle des profits, sans qu’ait jamais pu être démontré un réel avantage pour l’emploi. En finir avec les exonérations de cotisations ne supprimerait pas seulement le déficit ; des excédents seraient dégagés pour mieux répondre aux besoins sociaux.

Défendre la Sécu

Mais c’est la voie inverse qui est aujourd’hui envisagée avec l’instauration de la « TVA (anti)sociale », impôt injuste payé avant tout par les classes populaires et se substituant aux ­cotisations versées par les employeurs1.

« Qui veut noyer son chien l’accuse de la rage » dit le proverbe. Pour le Medef comme pour le pouvoir, la méthode est encore plus perverse : inoculer eux-mêmes le virus du « déficit », afin d’abattre la « bête noire » qu’est pour eux la Sécu. Alors que l’on s’apprête à célébrer les 80 ans de cette conquête essentielle de la solidarité ouvrière, il y a urgence, face à la brutalité de l’attaque, à se ressaisir et à organiser une riposte mobilisatrice et unitaire.

On ne peut que saluer l’initiative que vient de prendre en ce sens le collectif unitaire du « Tour de France de la santé » qui invite « toutes les organisations attachées à la Sécurité sociale à une réunion d’échange et de préparation »

Son appel affirme : « À l’heure où nous allons fêter les 80 ans de la Sécu, il est temps de réagir. Nous ne pouvons plus attendre ! De nombreuses organisations planifient des événements en lien avec cet anniversaire et c’est une bonne chose. Mais nous sommes nombreux·ses à souhaiter que dans le même temps nous puissions collectivement, dans un large mouvement unitaire, construire une initiative d’ampleur nationale pour s’opposer aux mesures remettant en cause notre Sécu et à la cure d’austérité annoncée, mais aussi avancer nos propositions ». Souhaitons que cet appel soit entendu.

J.C. Delavigne