« Le PS est laminé et c’est l’UMP qui se dissout ! », se lamente un militant cité le 29 mai par le Monde. Il était pourtant impossible aux dirigeants de droite de laisser en poste un Copé touché de plein fouet par les révélations de l’affaire Bygmalion.
Un scandale qui pourrait avoir des répercussions encore bien plus graves s’il était avéré que les fausses factures ont en réalité servi à couvrir et masquer un énorme dépassement des frais de campagne de Sarkozy, qui ne pouvait pas ne rien savoir… La solution adoptée par une majorité des dirigeants de l’UMP a été de remplacer Copé – « mon intégrité est totale » – (tout le monde rigole…) par un « triumvirat » composé des trois anciens premiers ministres, Fillon, Juppé et Raffarin, chargé d’organiser un congrès au mois d’octobre. Mais elle a immédiatement suscité l’ire et l’opposition des dirigeants du courant « la droite forte », ainsi que des groupies sarkozystes Morano et Guéant (ce dernier tout juste sorti de garde à vue dans une autre affaire...). À tel point que dans un nouvel appel à « l’unité » publié le lundi 2 juin sur son blog, Juppé a conditionné sa participation à l’existence d’un « consensus ». Ces réactions sont certes liées aux intérêts des diverses écuries dans la « guerre des chefs » qui repart de plus belle, mais il ne s’agit pas uniquement de cela. Car le résultat électoral du 25 mai a également relancé, et même exacerbé, une lutte politique entre deux grandes orientations.
Les garants de « l’esprit originel » ?Un secteur du grand capital (sans doute majoritaire, en tout cas substantiel) considère en effet que la victoire du FN aux élections européennes, qui constitue pour lui un vrai sujet de préoccupation, invalide ou impose de revoir la ligne politique jusqu’à présent suivie majoritairement à l’UMP, consistant à reprendre une partie du programme du FN dans l’espoir de vampiriser ses électeurs. C’est à cette orientation que répond le « triumvirat ». En résumé, Fillon-Juppé-Raffarin veulent en finir avec la ligne Buisson-Copé-Sarkozy qui a mené à l’échec, pour revenir à une politique de droite plus traditionnelle. C’est Juppé qui l’exprime le plus clairement quand il écrit, sur son blog, que « nous pourrons nous mettre en situation d’incarner demain une alternance crédible si nous revenons à l’esprit originel de l’UMP : la réunion de la droite et du centre ; s’imaginer que c’est en chassant sur les terres idéologiques du FN que nous pourrons nous refaire est un non-sens. » Et d’enfoncer le clou en défendant des « racines » libérales, sociales (si si : « la cohésion sociale » !) et gaullistes contre la vision d’« une France barricadée dans ses frontières, protectionniste, fermée à l’Europe (…) rétrograde, passéiste, fermée aux évolutions des mœurs et de la société qui change sous nos yeux (…) apeurée, hostile à la mondialisation, fermée aux autres et à l’enrichissement mutuel des cultures » portée donc par le FN… mais pas seulement par lui ! Vaste programme… Les « centristes » (UDI et MoDem), auxquels Juppé proposait dans le même temps l’organisation de primaires communes pour la présidentielle de 2017, ont déjà répondu « Non ». Et surtout, ces dirigeants qui veulent revenir aux antiennes de la vieille droite n’ont en réalité aucun autre programme à proposer que celui qui est appliqué par la Commission européenne... et le gouvernement de Hollande et Valls. Bref, l’UMP n’est pas sortie de l’auberge.
Jean-Philippe Divès