Tandis que le « Ségur de la santé » tourne à la mascarade, le parlement vient d’adopter en première lecture le don de congés annuels aux hospitaliers. Les deux faces du « jour d’après » préparé par Macron et les siens.
Il aura suffit de quelques jours pour que l’écran de fumée du « Ségur de la santé » commence à se dissiper. Constatant que « dans ce Ségur, Nicole Notat est animatrice sans moyens ni marge de négociation » et qu’il n’y avait aucune proposition de la part du gouvernement, la fédération Sud santé sociaux en a claqué la porte le 3 juin. Aucun des trois préalables minimum posés (revalorisation de 300€ des salaires ; mise en stage des contractuelLE, moratoire sur la fermeture des lits et réouverture là ou c’est nécessaire) n’a obtenu la moindre réponse. SUD considère que « dans ces conditions, le Ségur fait partie intégrante du problème, et pas de la solution. Y rester, ce serait cautionner le stratagème du gouvernement et trahir les hospitalier.e.s en lutte depuis plus d’un an, et ne pas tenir compte de l’urgence de leur situation. ».
Même sur la question des rémunérations, sur laquelle le gouvernement prétendait s’engager, aucune enveloppe, aucun chiffrage n’est fourni, quant à la question principale, celle de la formation et du recrutement de personnel, et des financements pour y par venir, il n’est même pas à l’ordre du jour. Bref, comme le dit la fédération SUD, il ne s’agit « plus pour le gouvernement que de se satisfaire de la politique menée avant et pendant la crise COVID… et de l’accélérer, avec, peut-être, quelques mesurettes tirées du Ségur pour donner l’apparence d’une concertation réussie ».
De la solidarité à la charité : le grand bond en arrière
Le 2 juin, l’Assemblée Nationale a adopté en première lecture une proposition de loi de La République en Marche permettant aux salariéEs de donner des congés sous forme de « chèques vacances » aux personnels des hôpitaux et des EHPAD
Christophe Blanchet, député LREM initiateur du projet a beau prétendre que cette proposition ne « se substitue pas aux mesures de grande ampleur nécessaires pour donner davantage de moyens » à l’hôpital, c’est bien pourtant de cela qu’il est question, les « mesures de grande ampleur » n’étant visiblement pas d’actualité pour le gouvernement.
Avec le « don de congés » le gouvernement tente, en semant la confusion, d’exploiter le formidable élan de solidarité avec les personnels hospitalierEs, pour justifier un retour à la charité et aux « bonnes œuvres », dans le financement la protection sociale. Dés lors la santé ne relèverait plus d’un droit garanti à toutes et tous, par des institutions et un financement public. Elle relèverait d’une assistance d’Etat minimale complétée par des œuvres caritatives privées ou des institutions lucratives, pour ceux qui en ont les moyens.
Celles et ceux ont soutenu les hospitalierEs, leur ont apporté des témoignages de solidarité, les ont applaudis le soir à 20h, ne réclamaient pas que leurs dons se substituent au financement public de l’hôpital. Ils exigeaient au contraire que la santé et l’hôpital deviennent enfin une priorité pour la société, et que celle-ci décide consciemment des moyens qu’elle met en œuvre pour répondre enfin aux besoins.
Avec le projet de loi adopté par l’Assemblée Nationale, le gouvernement entend organiser la « solidarité »… en puisant dans la poche des salariéEs. Même s’il est facultatif, le don d’une journée de congé, se situe dans la lignée de la journée de travail gratuit imposée en 2003 pour financer la dépendance (lundi de pentecôte), mesure que Macron envisage d’étendre à deux jours.
Faire travailler les salariéEs une ou plusieurs journées de plus gratuitement, pour financer la protection sociale, au lieu d’augmenter les cotisations des employeurs, c’est évidemment un projet qui ravit le MEDEF, ce dont la Ministre du travail, M. Penicaud, s’est ouvertement félicité. « Un tel dispositif ne représente pas une charge pour l’État ni pour les entreprises » a-t-elle déclaré à l’Assemblée.
La loi sur le chèque vacances est d’autant plus indécente, qu’elle « oublie » une « détail ». Pour utiliser les chèques vacances, encore faut il avoir des congés. Or, faute de personnel suffisant, cet été, encore plus que les précédents s’annonce critique dans les services, alors qu’y affluent les patients qui n’ont pas accédé aux soins pendant des mois, et que le risque d’une relance de l’épidémie n’est pas écarté. Quant aux « comptes épargne temps » ils débordent dans les hôpitaux, la pénurie ne permettant pas d’accorder les congés.
La mascarade du « Ségur de la santé » et la loi sur les « dons » de congés sont les deux faces de la même médaille. Ils révèlent les choix de ce gouvernement : instituer un système de soin, ou le service public et la Sécurité sociale, garantissant à toutes et tous un accès égal et gratuit à des soins de qualité, laisse la place à un système dominé par les intérêts privés et soumis à leurs impératifs.
Seule une mobilisation de très grande ampleur, avec les personnels hospitaliers et l’ensemble de la société pour faire de la santé un bien commun, grâce à un service public santé et une Sécurité sociale solidaire permettra d’inverser le cours des choses. Le succès de la grande journée du 16 juin, doit en être la première étape.