Depuis le 28 septembre, le monde de la gynécologie en général et l’hôpital Tenon en particulier sont ébranlés par la mise en cause du professeur Darai, grand spécialiste de l’endométriose, accusé de viols et d’agressions sexuelles par plusieurs patientes. Une centaines de femmes ont témoigné auprès du collectif StopVog, qui a levé le silence sur la question des violences subies par les femmes lors des consultations gynécologiques.
À ce sujet le CNGOF (Collège national des gynécologues et obstétriciens de France) était resté plutôt silencieux en appelant, sans prendre trop de risques, à ce que l’enquête se poursuive. Rappelons que le CNGOF s’était déjà illustré sur la prise en charge des violences gynécologiques par les prises de parole de deux de ses représentants : Bernard Hédon qui, sur l’affaire des touchers vaginaux sur patientes endormies affirmait : « Ce n’est pas une pénétration, c’est un examen clinique » ; et Israël Nisand, qui déclarait quant à lui au sujet d’un collègue accusé par 11 patientes de viols ou d’attouchements : « Je pense qu’il n’est coupable de rien si ce n’est de petites choses sur le plan du comportement »1. Autant dire qu’on partait de loin.
« Le silence est l’arme absolue de tous ceux qui abusent »
Mais le 21 octobre, sous le poids de la polémique, l’électroencéphalogramme du CNGOF s’est agité et, prenant à bras-le-corps le problème des violences gynécologiques et obstétricales, avec tout le sérieux qui lui est possible, ce groupe de professeurs émérites et médecins reconnus a produit, du fin fond de son puits de connaissance : une charte de la consultation en gynécologie ou en obstétrique. Le CNGOF conseille ainsi à tous les professionnels d’y adhérer et aux patientes de la lire.
Et tout de suite, on tique un peu car, a priori, le problème des violences gynécologiques et obstétricales ne vient pas des patientes mais bien des professionnels en position de domination qui en profitent pour agresser et violer des femmes. Proposer une charte pour « résoudre » ces questions, sans par ailleurs avoir pris en compte la voix des patientes elles-mêmes, s’inscrit de fait dans un processus de minimisation des violences.
Mais que dit cette charte ? D’abord qu’il faut informer les patientes (c’est pas mal parce que l’information des patients est normalement déjà garanti par la loi du 4 mars 2002) et qu’il faut recueillir leur consentement avant tout acte médical (ce qui est aussi un droit normalement déjà garanti par la loi du 4 mars 2002) ; mais aussi qu’elles ont le droit de refuser un examen (la loi du 4 mars 2002 a-t-elle seulement existé pour les gynécologues ?). Donc oui, cette charte rappelle d’abord le cadre légal car apparemment aucun professionnel de gynécologie ou obstétrique n’y avait accès avant.
Mais la charte donne une raison à tout ce déploiement juridique : il s’agirait de respecter la pudeur de la femme, parce que l’examen gynécologique est par nature plus « intime ». Il est épuisant de devoir se justifier sans cesse pour avoir ce qui devrait être normal : le respect de nos corps au-delà de notre pudeur individuelle, simplement le respect de notre intégrité physique et psychique.
Denis Mukwege, gynécologue prix Nobel de la Paix, a déclaré sur les violences gynécologiques et obstétricales : « Dans notre société le silence est l’arme absolue de tous ceux qui abusent ». Cette charte devrait être affichée dans tous les cabinets. Prenons-la, faisons en un portevoix et servons-nous en pour hurler à l’oreilles des gynécologues que désormais leurs abus : c’est fini.
- 1. Documentaire Paye (pas) ton gynéco, Nina Faure, 2018.