La journée nationale de grève du 30 janvier dans les EHPAD, à l’appel de toutes les fédérations syndicales, était une première, et ce fut un succès. Qui en appelle d’autres.
Selon le ministère lui-même, 31,8 % des personnels ont fait grève, même si seulement 10,3 % ont pu effectivement y participer. Les autres, dans le secteur public, étaient assignés (« réquisitionnés ») par les directions, ce qui en dit long sur le manque d’effectifs dans les services. La participation aux manifestations a été, elle aussi, importante. Dans certaines régions, dans les villes petites ou moyennes, les rassemblements ont atteint plusieurs centaines de manifestantEs.
La portée politique du mouvement
La lutte du 30 janvier a eu une portée qui dépasse le cadre d’une journée revendicative réussie. Elle a une dimension politique qui met en difficulté le gouvernement. En plus des personnels des EHPAD, les manifestations ont rassemblé des résidentEs, des collectifs d’usagers, des défenseurs des hôpitaux ainsi que l’intersyndicale des retraitéEs. Unis autour des mêmes revendications (unE salariéE pour unE résidentE, abrogation de la réforme tarifaire qui détruit le service public), ils exigeaient ensemble un droit : la prise en charge, collective et solidaire, par la société, de celles et ceux qui deviennent dépendants.
À l’heure ou Macron (et derrière lui le patronat) entendent promouvoir une « société de l’individu » qui réduit au strict minimum la protection sociale et son financement socialisé, et qui détruit le service public hospitalier, la mobilisation des EHPAD prend à contrepied les contre-réformes libérales.
Ultimatum pour l’ouverture de négociations
L’intersyndicale a rejeté le plan méprisant de la ministre qui propose de distribuer, au cas par cas, une enveloppe dérisoire de 50 millions d’euros, correspondant à un seul emploi nouveau pour trois établissements. Le 31 janvier, un ultimatum a été lancé au gouvernement pour ouvrir des négociations d’ici le 15 février. La perspective d’une nouvelle journée de grève et de manifestation en mars a été annoncée.
Ce calendrier est timide et lointain face à l’urgence de la situation et à l’intransigeance gouvernementale. Il laisse néanmoins ouverte la possibilité de franchir une nouvelle étape pour aboutir à un mouvement de grève généralisé seul à même de faire céder ce gouvernement. Cette mobilisation pourrait ouvrir une brèche pour d’autres secteurs de la santé, eux aussi en lutte face à la même maltraitance des personnels et des patientEs. C’est le cas en psychiatrie et dans de très nombreux autres établissements hospitaliers.
La lutte des EHPAD pourrait ainsi ouvrir la voie à une convergence des luttes de l’ensemble du secteur sanitaire qui, avec le soutien des associations d’usagers, des familles, du mouvement ouvrier interprofessionnel pourraient se transformer en « marées blanches » et en affrontement avec le pouvoir sur les questions de santé et de protection sociale.
J.C. Delavigne