Licencier un fonctionnaire hospitalier pour « suppression de poste », est-ce possible ? En théorie, oui : la loi sur le statut des hospitaliers, promulguée en 1986, l’autorise en ses articles 92 et suivants. Dans les faits, c’est plus compliqué : les décrets d’application n’ayant jamais été pris, ces dispositions sont restées en sommeil pendant 32 ans. Mais cela devrait changer d’ici avril.
Suite à un recours, le Conseil d’État, dans un arrêt du 25 octobre 2017, a enjoint Matignon de prendre ces décrets sous six mois. Le ministère des Solidarités et de la Santé s’est exécuté et a annoncé leur publication d’ici fin avril. Selon la loi de 1986, en cas de suppression de poste, il doit être proposé au fonctionnaire « trois emplois vacants correspondant à son grade ». Mais jusqu’ici les délais et « l’ordre de priorité géographique » à suivre pour ces offres de reclassement avant licenciement n’étaient pas précisés, ainsi que le délai de réflexion pour accepter ou refuser un de ces emplois. C’est à ces questions que doivent répondre les décrets.
Organiser le sous-effectif permanent
Pour la CFDT, à l’origine du recours ayant abouti devant le Conseil d’État, combler ce « vide juridique » est visiblement une façon de mieux accompagner les réorganisations. En réalité, c’est ouvrir une brèche soigneusement mise de côté jusqu’ici... y compris par le gouvernement PS, qui en 1998, avait envisagé prendre ces décrets, mais s’était finalement ravisé. Un an plus tard, il s’était même payé le luxe, dans une réponse écrite à l’Assemblée nationale, de dire qu’il n’avait « pas l’intention de prendre des dispositions réglementaires pouvant se traduire par le licenciement d’agents hospitaliers »... tout en n’abrogeant pas pour autant cette possibilité légale, et en expliquant comment il comptait accompagner les restructurations d’hôpitaux : primes de départs « volontaires », mais aussi « transferts d’emplois » entre différentes structures. Une logique suivie jusqu’au bout par le PS, qui met en place en 2016 les Groupements hospitaliers de territoire (GHT), machine à couper dans les effectifs enrobée sous le doux nom de « synergies ». Au prétexte de fusionner les « fonctions supports » (blanchisserie, services techniques, etc.) ou des services de même spécialité dans différents hôpitaux d’un même GHT, des équipes entières sont supprimées, répercutant la charge de travail sur les personnels restants, déjà débordés.
Bien sûr, au vu du nombre de contractuelEs, d’intérimaires, voire de prestataires extérieurs, ainsi que de départs non remplacés, l’hôpital avait déjà bien des moyens de supprimer des postes. Mais dans ce contexte de coupes franches dans les effectifs, prendre les décrets d’application de la loi de 1986, c’est ouvrir les vannes à des plans de licenciements des fonctionnaires. Bien loin des discours du ministère qui prétend vouloir « encadrer les délais, la procédure et la qualité des offres de reclassement », le message est clair : aux directions d’hôpitaux d’organiser le sous-effectif permanent. Face à cette politique du gouvernement : fonctionnaires et salariéEs du privé, même combat !
Joan Arnaud