Le temps de travail d’un interne est régi par le code de la santé publique : 48 heures maximales par semaine. Une durée que 70% des internes déclarent dépasser.
« Le dépassement du temps de travail ne sert pas à notre formation mais à notre exploitation ». Quelques semaines après des grèves très suivies d’internes contre une quatrième année de médecine générale imposée et sans réelle formation, la totalité des syndicats d'internes de médecine et de pharmacie, l’ISNI, l’ISNAR-IMG et la FNSIP.BM, ont entamé un recours judiciaire, à l’encontre de tous les centres hospitaliers universitaires (CHU) de France pour obtenir de ces derniers l’application de la réglementation relative à leur temps de travail. En effet, le temps de travail d’un interne – qui est agent de la fonction publique non titulaire – est régi par le code de la santé publique : 48 heures maximales par semaine. À noter que ce maximum est une moyenne sur un trimestre, qui permet donc de faire travailler les internes sans limite d’heures sur une même semaine !
Mais même cette réglementation pourtant peu ambitieuse n’est pas respectée. La dernière enquête en date de juillet 2021, menée par OpinionWay pour les ministères de la Santé et de l’Enseignement supérieur, révélait ainsi que 70 % des internes déclarent dépasser les 48 heures hebdomadaires, et même que 50 % des internes dépassent les 58 heures hebdomadaires.
Le temps de travail des internes peu comptabilisé
En pratique, il est même le plus souvent refusé aux internes de mesurer leur temps de travail : moins d’un interne sur trois voit son temps de travail décompté. Cette action vise à obliger les directions hospitalières à instaurer le décompte horaire et à respecter le temps de travail légal de 48 heures hebdomadaires. Avec pour levier, un arrêté publié par le ministère de la Santé le 4 août dernier cadrant l’élaboration des tableaux de service et une décision du Conseil d’État du 22 juin, qui enjoignait les hôpitaux publics de se doter d’un « dispositif fiable, objectif et accessible permettant de décompter » le temps de travail de leurs médecins et internes. L’objectif de la plainte est de forcer les CHU, sous astreinte judiciaire et par référé, à comptabiliser ce temps de travail et d'en respecter la durée maximale.
Après avoir lancé un ultimatum aux 400 centres hospitaliers de France en juillet 2022, et constatant qu’aucun progrès sérieux n’avait vu le jour, les syndicats ont décidé le 28 novembre 2022 d’attaquer les 28 CHU en justice pour que le droit du travail des internes soit enfin respecté.
Allier conditions de vie, de travail, de rémunération des internes et des médecins avec l’exigence de santé pour tous
Dans ce moment où les mouvements contestataires de médecins se cherchent, oscillant entre ultra-libéralisme et amélioration des conditions de travail, les syndicats et partis ouvriers auraient tout intérêt à soutenir les internes lorsque leurs revendications tournent autour de l'exigence d’une diminution du temps de travail, pour bâtir une alliance où conditions de vie, de travail, de rémunération des internes et des médecins puissent se conjuguer avec le droit à la santé pour toutEs, partout. Les gigantesques mobilisations de médecins à Madrid, la marée blanche de plus de 200 000 personnes en Espagne, usagers et personnels de santé ensemble dans la rue, montrent que c’est possible et nécessaire pour défendre notre santé en danger.