Trois médecins du travail, Élisabeth Delpuech, Dominique Huez et Bernadette Berneron, font l'objet d'une procédure judiciaire engagée à la suite de plaintes d’entreprises. Ils sont poursuivis par leurs employeurs - EdF, Orys (filiale du groupe Ortec, un des sous-traitants d'EdF) et le service de santé interentreprises de l'Ain - pour la rédaction de certificats médicaux ou de courriers à des confrères, attestant d’atteintes à la santé mentale de salariéEs en lien avec leur activité de travail.Ces plaintes adressées à l’Ordre des médecins portent essentiellement sur la mise en évidence par les médecins du travail d’un lien de causalité entre organisation du travail et atteintes à la santé mentale. Et cela alors que l’apparition des nouvelles formes de travail, le renouveau des stratégies managériales de mobilisation des salariéEs, de valorisation du « savoir être », de l’initiative et de la responsabilité, mobilisent de plus en plus leur implication subjective dans le travail.Ce qui est en jeu, c’est la possibilité pour les médecins du travail d’identifier les causes des souffrances mentales constatées dans le travail, son environnement et son organisation, et d’en attester les effets sur les travailleurs. Les poursuites engagées sont un moyen de peser sur l’indépendance des médecins du travail afin de les dissuader de rédiger des écrits mettant en cause les conditions d’organisation du travail et ainsi de remettre en cause une de leurs compétences fondamentales.
« Protéger la santé physique et mentale des travailleurs »La loi (article L.4121-1) a introduit récemment dans le code du travail l’obligation pour l’employeur de prendre les mesures nécessaires « pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs ». L’employeur devrait élaborer un document unique d’évaluation des risques professionnels (DUE) sous le contrôle du CHSCT et du médecin du travail. Rappelons que l'article L.42121-2 stipule que « le travail doit être adapté à l'homme » et non l'inverse…La Cour de cassation a confirmé que l’employeur est tenu à une obligation de sécurité de résultat et que le manquement à cette obligation a le caractère d’une faute inexcusable lorsque l’employeur aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié et qu’il n’a pas pris les mesures nécessaires pour l’en préserver. Le patronat ne digère pas du tout cette injonction ! Du coup, il ne cesse de tenter une reprise en main des médecins du travail, de court-circuiter les CHSCT qui sont un tant soit peu combatifs, en créant par exemple des commissions « bidons », hors de toute loi.Dans ce contexte, les écrits des médecins du travail prennent une place importante, place qui est contestée par les patrons, mais aussi par le Conseil national de l’Ordre des médecins. Les patrons ne peuvent concevoir la transformation, pas même la remise en cause de l'organisation du travail par les médecins du travail, les CHSCT et encore moins par les travailleurs et travailleuses qui ne veulent toujours pas « perdre leur vie à la gagner ». Pour eux, c'est inconcevable, car c'est fondamentalement la remise en cause de leur pouvoir, de la propriété privée. D'où l'intérêt que nous devons y porter !
Alain JacquesPétition de l’association Santé et médecine du travail (SMT) : www.a-smt.org