À deux semaines du 5 décembre, le pouvoir a pris conscience du danger que représente la mobilisation hospitalière qui ne cesse de s’amplifier. Pour déminer le terrain, le Premier ministre a présenté, le 20 novembre, avec la ministre de la Santé, un plan se voulant « fort et conséquent ». Celui-ci n’a pourtant pas davantage convaincu le monde hospitalier que les deux précédents.
Édouard Philippe l’a rappelé : le plan proposé ne marque aucune rupture avec la politique menée par son gouvernement et ses prédécesseurs. Il entend maintenir le cap vers la « réorganisation complète du système de soins » en aidant l’hôpital à « passer une période difficile ». En clair, le pouvoir s’est rendu compte qu’il avait été un peu vite en besogne dans le démantèlement de l’hôpital public, et il est contraint de desserrer l’étau pour éviter l’explosion… et continuer dans la même direction. Tel est le fil conducteur des mesures présentées le 20 novembre.
Éponger une partie de la dette… sans s’attaquer aux causes
L’État va reprendre à son compte dix des trente milliards de la dette des hôpitaux. Mais le plan ne s’attaque pas aux causes de cet endettement.
Fonctionnant comme une entreprise l’hôpital doit désormais « dégager des marges » pour rénover son équipement, investir dans de nouveaux matériels. Les budgets insuffisants qui lui sont accordés ne le permettent pas. Les établissements doivent donc s’adresser aux banques, auxquelles ils versent des intérêts parfois prohibitifs.
La reprise d’une partie de la dette ne met pas fin cette mécanique infernale qui contraint les hôpitaux à réduire leurs budgets de fonctionnement pour financer leurs investissements. 70 % des budgets étant des frais de personnel, ils devront donc continuer de diminuer le nombre de leurs agentEs et les rendre plus « productifs » au prix de l’épuisement professionnel et de la baisse de la qualité et de la sécurité des soins.
Réduire la ponction n’est pas augmenter les moyens
La seconde mesure du plan est l’attribution d’un milliard et demi supplémentaire sur trois ans aux budgets hospitaliers : 300 millions en 2020, auxquels s’ajoureront 200 millions les deux années suivantes. Sur une enveloppe hospitalière annuelle de 60 milliards, c’est bien peu. Mais le pire n’est pas là. En réalité, le « cadeau » de Philippe et Buzyn consiste non pas à augmenter les moyens de l’hôpital, mais à réduire la ponction opérée sur celui-ci. Pour maintenir les moyens d’une année sur l’autre, l’enveloppe accordée à l’hôpital devrait augmenter de 4,4 %. Or la hausse prévue pour 2020 était de 2,1 %, ce qui signifiait une ponction de 800 millions au détriment de l’hôpital. Avec les nouveaux moyens accordés, cette réduction ne sera « que » de 500 millions : belle « avancée » !
Rémunérations : un saupoudrage pour diviser
La seule réponse du gouvernement à la revendication de 300 euros pour touTEs mise en avant par les personnels est un saupoudrage pour les situations jugées les plus dramatiques : prime pour les bas salaires seulement pour les soignantEs et seulement en région parisienne, prime pour les « métiers en tension », pour les aides-soignantEs ayant une « formation en gériatrie ». Rien pour les autres. Bref des miettes et une tentative de division pour opposer les personnels entre eux. Cerise sur le gâteau, 200 millions sont accordés pour une prime à la tête du client, pour récompenser « l’engagement et l’investissement » (sic !).
L’hôpital entreprise, ça continue !
Loin d’abandonner la perspective de l’hôpital entreprise, le « plan d’urgence » accélère enfin la transformation « médicalisée » de l’hôpital en entreprise. Certains médecins pourront retrouver du pouvoir, à condition de devenir de bons managers, « les mains dans le cambouis » de la gestion de l’austérité.
Loin de répondre aux attentes, ce plan attise davantage la colère, et incite les hospitalierEs a passer à la vitesse supérieure dans leur mobilisation. Les prochains rendez-vous sont déjà fixés : le 30 novembre, le 5 et le 17 décembre.
Face à un pouvoir qui ne veut rien entendre, la perspective d’une grève générale des hôpitaux, s’inscrivant dans la convergence des colères et des luttes, est plus que jamais une nécessité. Elle peut devenir une réalité.
Jean-Claude Delavigne