Depuis presque un siècle, à côté du dispositif libéral (médecins installés en cabinet ou regroupés en maison de santé), les centres de santé proposent une offre de soin alternative.
Celle-ci s’appuie sur une organisation spécifique : accès au soin pour tous à travers le tiers payant, pratique articulée autour d’un projet de santé collectif puisque impliquant l’ensemble du personnel (administratif et soignant), coordination des soins et médecine d’équipe, place de la prévention dans le dispositif permettant la réalisation d’actions ciblées. Ça, c’est le cadre théorique, la conception de départ, ce qui fait l’intérêt de ce type de structures Mais qu’ils soient associatifs, mutualistes et même municipaux, les centres de santé sont en danger, parce qu’ils dérivent, eux aussi, vers une gestion comptable qui dénature le modèle et les objectifs de départ.
Le droit à se soigner ou le profit ?Organisation du soin axée sur la rentabilité, paiement à l’activité qui modifie forcément les choix thérapeutiques, modèle économique qui prend la place du projet de santé et qui détruit le fonctionnement collectif des équipes... Toutes ces dérives amènent les praticiens, les infirmières, les secrétaires à perdre le sens premier de leur travail : celui de l’accueil et du soin adapté, qui place le patient et sa demande au cœur du dispositif pour une réponse de qualité. Malheureusement, le gestionnaire devient tout puissant, avec ses recommandations économiques et financières, loin du soin et loin du patient. D’autant plus puissant qu’il agit dans un cadre de plus en plus défavorable à la résistance : emplois précaires, temps partiels ne permettant pas un investissement important des professionnels, rotations importantes, etc.Que faire ? Comme à l’hôpital, il faut rentrer dans un rapport de forces pour défendre notre outil de travail : refuser la taylorisation sous-tendue par les nouveaux modèles économiques, refuser le paiement à l’activité des praticiens, refuser le clivage par métier imposé par les gestionnaires qui désorganise le collectif. Se battre ensemble, tous personnels confondus et toutes structures confondues (municipales, mutualistes et associatives), pour que le centre de santé reste cette belle alternative collective qui plaçait la santé comme un droit au bien-être pour chacun et non comme un produit marchand, objet de profit.Le chemin sera long, étroit et laborieux tant il est à contre-sens des directives ministérielles actuelles, relayées par les ARS. Mais il est notre seul moyen de défendre cette conception des centres de santé, qui revendique le droit à une santé de qualité pour tous.
JL et FA