Mardi 15 mai, les hospitalierEs étaient environ un millier à se retrouver pour crier leur colère. Venus de plus d’une dizaine de villes en France, ils ont arpenté les Champs-Élysées, avant de les bloquer pour faire entendre leurs revendications : plus d’effectifs, plus de moyens, arrêt de la mise à mort de l’hôpital public et des politiques d’austérité criminelles. Rejoints par d’autres secteurs mobilisés, ils ont descendu les Champs au son de « Cheminots, étudiants, précaires, hospitaliers, c’est tous ensemble qu’il faut lutter, c’est tous ensemble qu’on va gagner ! », avant de se rendre au ministère de la Santé. Entretien avec plusieurs d’entre elles et eux.
Pourquoi ce rassemblement aujourd’hui ?
Xavier (hôpital psychiatrique du Vinatier, 69) : Quand on voit que le gouvernement impose des économies faramineuses à la santé, c’est inacceptable. Et ce sont les patients qui pâtissent en premier lieu de cette politique. Mais pour nous aussi, les conséquences sont dramatiques. On déshumanise complètement le soin. Nous, on prend sur nous parce qu’on a quand même de lourdes responsabilités, en psychiatrie. Mais à la fin, on est vidé... On est comme des éponges en fait, on encaisse, on encaisse, mais au bout d’un moment, c’est plus possible. C’est insupportable de ne pas pouvoir soigner correctement.
Claire (hôpital de Lyon-Sud, 69) : Nous, on s’est mis en grève le 22 janvier, et on s’est rendu compte qu’au niveau d’un service, d’un hôpital, ça ne bougerait pas, donc on est allé discuter avec nos collègues des autres hôpitaux de Lyon, des services d’urgence mais pas que... Au final cinq hôpitaux des HCL (Hospices civils de Lyon) se sont mis en grève, sur les trois derniers mois. Aujourd’hui certains ont repris le travail, mais on reste en contact, et on continue d’organiser la mobilisation.
Julie (hôpital Louis-Mourier, 92) : La situation dans les hôpitaux est dramatique. Mais les luttes sont très isolées, et pour l’instant pas de lutte d’ensemble qui serait pourtant la seule à même de nous faire gagner ! L’objectif d’aujourd’hui c’était d’accélérer le calendrier des directions syndicales... Parce que là, ce n’est même plus du saute-mouton, c’est carrément des journées de grève « témoignage ». Ça parle peu aux collègues, on ne voit pas bien comment ça pourrait aboutir à quoique ce soit. Et pourtant les conditions de travail sont déplorables : les fermetures de services, d’hôpitaux, les burn-out, les suicides...
Quelles sont les raisons de la colère aujourd’hui à l’hôpital ?
Claire : Les conditions de travail deviennent insupportables, on est complètement robotisés. Pourtant l’hôpital n’est pas une entreprise, et le soin ne devrait pas être une marchandise ! On est cassé, physiquement. À l’hôpital, aujourd’hui, y a plus d’accidents du travail que dans le BTP. J’ai 22 ans, j’ai commencé à bosser à 18 ans et je vais déjà chez le kiné toutes les semaines tellement j’ai le dos ruiné. C’est toujours la même chose que l’on dénonce : le manque de matériel, d’effectifs, les heures supplémentaires non payées, faire les toilettes des patients en 6 minutes, les collègues infirmières qui se retrouvent à brancarder en parcourant plus de 30 km par jour, parce la direction n’embauche tout simplement plus de brancardiers !
Et les directions d’hôpitaux, les ARS, même le gouvernement, ils s’en foutent ! Ils savent très bien qu’il y a de plus en plus de morts à l’hôpital, à cause du manque de personnel. Et des conditions désastreuses pour les soignantEs, mais ils s’en lavent les mains. Pourtant ce sont eux les responsables. Le sang des patients et des soignants qui se suicident, ce sont eux qui l’ont sur les mains !
Comment s’organiser pour que les mobilisations hospitalières aillent le plus loin possible ? Quelles sont les perspectives ?
Julie : Il y a une vraie attente des collègues de pouvoir se mobiliser tous ensemble, or c’est comme si rien n’était fait pour. Alors plusieurs hôpitaux mobilisés ont organisé, à partir de janvier, des réunions de coordination pour se retrouver tous ensemble et organiser des dates communes pour se retrouver en grève, en manifestation. Une « coordination des hôpitaux en lutte ». Ils se sont retrouvés à Paris, à Toulouse, à Angers... Et cela a permis d’organiser ce -rassemblement aujourd’hui.
Xavier : À Lyon, on a fait un collectif pour s’organiser ensemble. On a fait beaucoup d’actions, de manifestations. Ce n’est pas la lutte d’un hôpital, mais d’un ensemble d’hôpitaux. Et plus largement : c’est avec la convergence des luttes qu’on gagnera. Regardez par exemple, ici, à ce rassemblement, on a des cheminots, des étudiants qui sont venus nous soutenir et se battre avec nous. C’est ça qui fait flipper les directions localement à Lyon, et le gouvernement de manière plus générale.
Claire : Ce collectif, il nous a aussi permis d’aller voir des cheminots, d’aller parler en assemblée générale étudiante. La semaine dernière on a pu faire une manifestation avec cheminots et étudiants. C’était un peu... sportif, disons. On a bien fait courir la police. Mais tout le monde était ravi de s’être mobilisé ensemble.
Aujourd’hui, les perspectives c’est de rester mobilisés et que le plus de collègues possible nous rejoignent ! Il faut qu’on ait confiance en notre force collective. La prochaine date de mobilisation c’est le 22 mai, on leur donne rendez-vous à tous !