« La proportion des collectivités en grave difficulté financière est préoccupante », reconnaît la Cour des comptes dans un récent rapport, n’en concluant pas moins : « confrontées en 2016 à une contrainte financière plus forte, [elles] doivent amplifier leurs efforts de gestion »… Comme si les difficultés auxquelles elles sont confrontées étaient dues à un problème de gestion, et non aux politiques des différents gouvernements qui ont amputé les budgets publics et siphonné les caisses des collectivités...
C’est ce que dénonce l’Association des maires de France : « une situation due pour l’essentiel à la baisse des dotations conjuguée à la multiplication des normes et aux transferts des charges de l’État vers les collectivités locales qui ne s’accompagnent pas des ressources nécessaires ».
Les dotations de l’État, gelées par Sarkozy, ont baissé une première fois de 1,5 milliard en 2014 dans le cadre du « pacte de confiance et de responsabilité établi entre l’État et les collectivités territoriales ». L’année d’après, le « pacte de responsabilité » prévoyait une baisse de 11 milliards entre 2015 et 2017. Et aujourd’hui Fillon annonce 20 milliards de coupes supplémentaires sur 5 ans... Cela alors que depuis des années, nombre de compétences et de responsabilités ont été transférées de l’État vers les différents échelons des collectivités locales, sans les moyens équivalents.
Pour « équilibrer » leur budget, nombre de collectivités ont alors eu recours aux hausses d’impôts (en 2015, jusqu’à + 15 % à Toulouse, + 10,5 % à Lille) et à l’endettement. Sur la seule année 2015, la taxe d’habitation et les taxes foncières ont augmenté de 5,9 milliards, des hausses entièrement payées par les ménages puisque le seul impôt local touchant les entreprises, la taxe professionnelle, a été supprimé par Sarkozy après avoir été réduit par Jospin, au nom de la « compétitivité » !
Entre 2011 et 2015, l’encours de la dette des collectivités est passé de 127,6 à 149,5 milliards , soit + 14,75 %... Une aubaine pour les banques : une part toujours plus grande des budgets des collectivités est consacrée au paiement des intérêts, qui peuvent atteindre des sommes astronomiques dans les communes victimes d’emprunts toxiques.
Par ailleurs, de plus en plus de collectivités ont recours au privé : délégations de services publics pour la gestion de l’eau, des transports, de l’assainissement, des cantines, des piscines, de l’entretien de bâtiments… mais aussi de plus en plus de partenariats public-privé (PPP), complexes montages pour financer des investissements qui se révèlent être de véritables gouffres pour les finances publiques... pour le plus grand bonheur des financiers !
Premières victimes, les plus pauvres et les travailleurEs…
Les dépenses des collectivités territoriales ont baissé de 1,7 % en 2015, les investissements de 25 % en deux ans. Report de l’entretien des bâtiments publics, écoles, voirie, remise en cause de subventions, baisse des budgets sociaux… ce sont les plus démunis qui subissent les conséquences de l’appauvrissement des collectivités territoriales transformant des quartiers, des communes entières en zones de déshérence, de non-droit pour les plus pauvres.
Les salariéEs municipaux subissent eux aussi l’offensive. La Cour des comptes vient de joindre sa voix au concert de propagande : elle appelle les collectivités à « l’intensification des efforts de maîtrise des charges de fonctionnement, particulièrement de la masse salariale », à passer tous les agentEs à 1 607 heures annuelles. Elle pointe un « absentéisme important »… qui est dû à l’augmentation de la moyenne d’âge du fait de la baisse des recrutements, à l’aggravation des conditions de travail et à la hausse des accidents.
L’intercommunalité, outil antidémocratique
Les gouvernements font pression depuis plus de 15 ans pour imposer aux communes de mutualiser moyens et personnels au sein de communautés de communes, communautés urbaines, et depuis peu métropoles. La même logique est à l’œuvre : mutualiser pour trancher dans les dépenses, offrir des marchés plus attractifs aux entreprises privées... et concentrer le pouvoir, limiter celui des conseils municipaux et rendre encore plus difficile le contrôle de la population sur les affaires publiques.
Pour l’annulation de la dette et des mesures d’urgence socials et démocratique !
Il est urgent d’imposer des mesures radicales pour inverser la logique à l’œuvre, en premier lieu l’annulation des dettes des collectivités territoriales, la suppression de toutes les mesures austéritaires, et que les classes populaires puissent décider elles-mêmes de l’utilisation de l’argent public…
De telles mesures ne pourront être mises en place que par la mobilisation des habitantEs et des travailleurEs prenant en main la chose publique, leurs intérêts comme leur destin… C’est dans ce sens que nous militons.
Isabelle Ufferte
(ancienne conseillère municipale à Pessac – 33)