Le cas de cette ville de la périphérie de Bordeaux n’est pas isolé : il est caractéristique du pillage des collectivités par la finance, avec la complicité de l’État et d’élus de gauche.
Fin 2012, nous avons appris l’existence de 4 emprunts toxiques contractés par la ville en 2008 et qui représentaient plus de 27 % de l’encours de la dette (soit près de 20 millions d’euros, l’équivalent de plus de la moitié du budget annuel de la ville !). Ces prêts n’avaient pas été votés en conseil municipal mais seulement annoncés dans le compte rendu de délégation du maire. Face au scandale révélé par le journal Libération, le maire socialiste de cette ville médiane (22 000 habitantEs), la plus pauvre d’Aquitaine (20 % de chômage, 40 % de chômage des jeunes…), s’est empressé d’empêcher toute communication autre que la sienne !
Mais il a bien été obligé de rendre des comptes dans la presse et au conseil municipal. Il s’est justifié en disant que le prêt le plus toxique de tous, indexé sur la parité euro-franc suisse, avait été contracté dans le cadre d’un contrat avec l’État par le biais de l’ANRU (Agence nationale du renouvellement urbain), donc avec des garanties imparables, d’autant plus que c’était avec Dexia, banque publique, LA « banque des collectivités ».
Un prêt indexé sur le franc suisse !
Or, ce qui a fait scandale, ce sont ces emprunts structurés, c’est-à-dire ces prêts toxiques (expression que le maire n’a jamais voulu utiliser !) dont les taux d’intérêt sont liés à des indices boursiers comme Euribor, Libor ou au cours euro-franc suisse (ce dernier étant particulièrement volatile), joués à la Bourse qui les a fait exploser. Ainsi, pour l’un des prêts, son taux est passé de 3,89 % à plus de 20 % 6 ans après !
Le maire a dû reconnaître en privé qu’il ne connaissait rien à la Bourse, et que Dexia s’était conduite comme un gangster vis-à-vis de nombre de collectivités (comme par exemple, le conseil général de la Gironde, l’hôpital…) auxquels elle a fait souscrire des emprunts de plus en plus risqués jusqu’à sa faillite en 2012.
La première arnaque, cela a été ces prêts vendus par Dexia à la ville. Dans un premier temps, devant l’ampleur du vol et sous la pression de notre intervention municipale avec le Collectif pour un audit citoyen de la dette (CAC33) venu distribuer des tracts et manifester au Conseil, la ville a fini par assigner Dexia en justice pour les quatre prêts, en ne payant pas l’augmentation des intérêts montés en flèche de par la spéculation sur l’euro/franc suisse.
Mais en août 2014, le gouvernement fait voter une loi d’amnistie bancaire, une loi scélérate qui empêche les collectivités d’attaquer l’ex-Dexia en échange du recours à un Fonds de soutien de l’État. La commune y recourt et renonce donc à poursuivre la banque. Mais tout cela a un coût public exorbitant : en plus du capital restant dû de plus de 5,3 millions d’euros, la commune doit payer une pénalité de 15,9 millions d’euros ! En clair, la ville devait rembourser quatre fois le capital de son emprunt !
Une loi d’amnistie scélérate
Au conseil municipal de juin 2015 qui en a délibéré, la majorité socialiste, Verts et PCF (ce dernier avec quelques regrets) a voté la renégociation de la dette. Tout ce monde sait depuis que Dexia apparaît plus de 30 000 fois dans les « Panama Papers ». Par exemple, Experta Corporate and Trust Services (une de ses filiales au Luxembourg) a créé 1 659 sociétés offshore. Plus grave encore, après la crise bancaire de 2008, alors qu’il venait de bénéficier d’une aide de 6,4 milliards d’euros de la part des États belge, luxembourgeois et français et d’une garantie financière, le groupe Dexia poursuivait toujours ses agissements coupables dans les paradis fiscaux ! C’est ce que nous avons dénoncé.
Avec le recours à ce Fonds de l’État a lieu la deuxième arnaque. En effet, la SFIL (banque remplaçante de l’ex-Dexia abondée à 100 % par des fonds publics) a transformé le prêt le plus toxique en trois nouveaux prêts. Avec ce montage, pour un prêt d’un capital de 5,8 millions au départ, la commune paiera 6,5 millions et l’État 10,9 millions via le Fonds d’aide, soit encore plus que prévu, sans que la banque qui a spolié la commune ne paie rien... Une véritable arnaque, du début à la fin !
Tout cela se fait avec de l’argent public, du contribuable qui doit donc payer trois fois. Car les contribuables locaux payent la partie de l’indemnité qui n’est pas prise en charge par le Fonds de soutien, les contribuables nationaux payent 50 % de l’aide du Fonds de soutien et les contribuables, en tant que clients bancaires, par les tarifications qu’ils payent à la banque.
Ce ne sont donc pas les salaires des agents, les investissements publics ni encore moins les subventions aux associations rognées de tous côtés par la ville qui coûtent cher, mais la spéculation des banques et les intérêts faramineux qu’elles font payer aux collectivités !
J’ai exigé de refuser de payer cette dette et défendu un service bancaire unique sous contrôle des salariés et de leurs organisations. Je continue à dénoncer une dette totalement illégitime, ce vol organisé par les banques aidées par l’État, avec l’accord de la majorité PS-PCF-Verts, et qui ne doit pas être payée par les salariéEs et les habitantEs.
Mónica Casanova
(conseillère municipale à Lormont – 33)