La CGT appelle à une manifestation nationale à Paris, « pour le développement industriel et l’emploi ». Nicolas Sarkozy a réagi en annonçant des « États généraux » pour l’industrie.
L'objectif de la CGT estque 30 000 personnes manifestent le 22 octobre. L’Union syndicale Solidaires y appelle également. Venir manifester à Paris est un choix lourd que la CGT a décidé à la veille de son congrès, dans un contexte de débats internes turbulents.
Mais faut-il manifester « pour » l’industrie ou pour des revendications ? La succession des plans de licenciements a certes mis sur la scène publique des noms connus d’entreprises ou de sous-traitants. L’hécatombe dans ce secteur fait froid dans le dos : 34 000 emplois détruits dans l’automobile en huit mois (sur 260 000 salariés), des bassins d’emplois dévastés. La défense d’une « politique industrielle » semble cependant le thème fédérateur ou le socle commun porté par la CGT, associé à des revendications plus classiques, quoique peu précises (ainsi le droit de « suspendre » des plans de licenciements). Par ailleurs, ce thème est aussi repris par des structures CGT contestant la stratégie confédérale (syndicats métaux ou chimie).
Les documents confédéraux posent néanmoins question sur l’interprétation de la crise. On y explique (conférence CGT de juin 2009) que « la position relative de la France s’est dégradée ». En rajoutant : « les règles de gouvernance des entreprises sont insuffi» (?). Suivent des chiffres sur les investissements et la recherche, jugés en retard sur la « concurrence », sur « nos », notamment l’Allemagne, souvent citée. Cette grille de lecture rappelle le « produire français » des années 1980. Mais plus au fond, en recherchant une explication générale, elle laisser penser que la crise serait en quelque sorte celle de la « mauvaise financiarisation », contre la possibilité de faire de « bons choix », si les pouvoirs publics et le patronat le voulaient vraiment. L’action du 22 octobre aurait donc pour objectif de faire pression dans ce sens. La reprise au bond de cette question par Nicolas Sarkozy qui prévoit des « États généraux » sur cette « bonne idée » de Bernard Thibault, montre deux choses : que le président veut dialoguer avec la CGT, mais aussi que ce thème touche réellement les salariés. Mais dans quel sens ?
L’emploi et le salaire sont massacrés par la logique capitaliste, qui est globale, et non pas découpée entre la mauvaise finance et la bonne industrie. Mais il est vrai que l’emploi ne saurait être vécu par les salariés comme une simple occupation du temps, sous l’autorité patronale. L’emploi, le travail, sont chargés de réalité vécue (physiquement, psychologiquement), au contact des outils, des matières, et finalement des productions, qui sont des marchandises vendues, utiles ou non à la société. Dans les entreprises industrielles rendant un service public (SNCF, poste, etc.), l’utilité du travail est évidente et fait partie de la culture professionnelle. Dans le secteur concurrentiel, l’utilité sociale peut être discutable ou contestable, comme c’est le cas dans l’armement, le nucléaire et… l’automobile. Les marchandises vendues sont parfois dangereuses, à court ou plus long terme. Il n’y a pas d’industrie « neutre » échappant à ce débat sur les finalités humaines et écologiques de la production.
Une « politique économique » utile peut et doit être soutenue, dans le prolongement de revendications syndicales précises et chiffrées. Mais elle débouche sur l’appropriation publique et démocratique de secteurs clés de l’économie. SUD Rail se prononce « pour un réaménagement économique et industriel des territoires en vue d’une relocalisation des productions industrielles et agricoles au plus près des consommateur/utilisateurs ». Les cheminots (CGT, SUD…) défendent le développement du fret contre le camion. Mais ils le font à partir d’un point d’appui : la SNCF n’est pas (pas encore) une entreprise privée. C’est un levier décisif pour donner du sens à des politiques publiques.
Dominique Mezzi