Si la TVA antisociale fait la une des médias et au est au cœur des débats qui ont suivi la prestation de Sarkozy, la mise en chantier d’une loi permettant de signer des accords « compétitivité-emploi » au niveau des entreprises est une attaque d’une dimension plus importante.100 ans de luttes balayésLa casse du code du travail et de tout ce qui fonde les protections collectives est à l’œuvre depuis de nombreuses années. Tout a commencé avec le rapport Virville, en 2004, et ses 50 préconisations qui signifieraient purement et simplement un retour à un rapport d’exploitation digne du xixe siècle. Toutes les avancées liées à 100 ans de luttes sociales menées par les travailleurs seraient balayées d’un seul coup avec le dessaisissement du Parlement de ses prérogatives législatives, la mise sous tutelle des juridictions du travail, une immunité patronale en cas de délit ou d’infraction, la subordination de la loi au contrat, etc. Encouragées par Parisot pour qui « la liberté de penser s’arrête là où commence le code du travail », les attaques contre les droits collectifs se sont depuis multipliées autour notamment du détricotage des lois sur les 35 heures.
Cette fois l’offensive permettrait de franchir un nouveau cap. Il s’agit de permettre qu’un accord d’entreprise signé par un ou plusieurs syndicats représentant plus de 30 % des salariéEs, sans opposition d’un ou plusieurs syndicats en représentant plus de 50 %, puisse modifier la durée du travail, la rémunération de tous les salariéEs. Si cette possibilité d’accords dérogatoires existe déjà, le dispositif permettrait, en s’imposant à tous les salariéEs, d’éviter toute contestation sur sa légitimité. L’objectif est clair : donner toute liberté aux employeurs d’augmenter le temps de travail pour le même salaire, de maintenir le temps de travail en baissant le salaire ou même de baisser à la fois le temps de travail et le salaire. Il s’agit d’une flexibilité libérée de toute entrave y compris financière et sans possibilité de refus de la part des salariéEs qui ne bénéficieraient plus des droits du licenciement économique.Marché de dupesIl s’agit là de la destruction d’un droit fondamental du code du travail pour lequel le salaire et le temps de travail, éléments essentiels du contrat de travail, doivent s’inscrire dans un cadre légal, collectif, national et non à la merci de pressions et de chantages, entreprise par entreprise.
Ces dispositions sont d’autant plus condamnables que là où de tels accords ont été mis en application, cela n’a garanti l’emploi ni immédiatement ni durablement. Les salariéEs de Bosch, Doux, SEB, Hertz et plus récemment Continental à Clairoix en ont fait l’amère expérience. À chaque fois, des dizaines voire des centaines d’emplois ont été supprimés tout de suite sans empêcher la fermeture définitive et totale du site, comme pour les Conti.
Pour l’instant, seules la CGT et FO ont manifesté clairement leur refus de s’engager sur cette voie. La CFDT, si elle accepte que soient négociés certains éléments (prime, repos...) en contrepartie de garanties sur l’emploi, prévient qu’il n’est pas question de déroger à la durée légale du travail et aux 35 heures. La loi prévoit une négociation obligatoire avec les « partenaires » sociaux avant que de telles dispositions puissent être présentées au Parlement. Fillon laisse entendre qu’il sera probablement difficile de passer en force avant les élections mais envisage des mesures transitoires permettant d’engager le processus.Faut pas payerMais quelles que soient les prises de position des centrales syndicales au niveau national, il n’en reste pas moins que si de telles dispositions voyaient le jour, le rapport de forces au niveau des entreprises isolées serait en général beaucoup plus défavorable. Soumises au chantage à l’emploi, des équipes syndicales peu aguerries ou carrément complices du patron au nom de la défense de l’emploi, pourraient être conduites à signer de tels accords notamment dans les PME et la situation serait pire dans les TPE où les salariéEs ne peuvent en général pas s’organiser.
De telles dispositions doivent être combattues de façon intransigeante. Dans le contexte de pression idéologique au regard de la crise économique et des doutes sur les alternatives politiques, nous devons impérativement asseoir notre revendication sur notre refus de payer leur crise. L’interdiction des licenciements, la remise en cause de la dictature patronale sur nos emplois, nos salaires sont mis à l’ordre du jour par la brutalité des attaques. La mobilisation appuyée sur les forces politiques, syndicales, associatives qui s’oppose à cette logique doit s’engager sans attendre.
Robert Pelletier